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Les gouvernemens des cantons radicaux manquaient scandaleusement aux plus sacrés de leurs devoirs, quand ils toléraient, bien plus, quand ils favorisaient notoirement chez eux ces agressions sauvages contre les cantons catholiques. Les gouvernemens des cantons catholiques, non-seulement remplissaient une obligation étroite, mais cédaient à la nécessité, lorsque, après avoir soutenu et repoussé de pareilles attaques, ils se concertaient entre eux afin de se prêter, à l’occasion, les uns aux autres, une protection que l’autorité fédérale n’avait point pu ou n’avait point voulu leur accorder. De même que l’appel des jésuites avait amené l’expédition des corps francs, l’expédition des corps francs amena la formation de l’alliance défensive entre les cantons de Lucerne, d’Uri, de Schwitz, d’Unterwalden, haut et bas, de Zug, de Fribourg et du Valais.

Cette alliance de sept cantons, dont la plupart se joignaient par leur territoire, et dont quelques-uns occupaient au centre de la Suisse des positions à peu près inexpugnables, était de nature à opposer une assez forte résistance aux projets des radicaux. Cette fédération particulière au sein de la fédération générale, qui avait reçu le nom de ligue du Sunderbund, mais qui n’avait d’ailleurs donné lieu à aucun traité ou stipulation quelconque entre les cantons alliés, qui avait été instinctivement convenue sous la pression des événemens, pour le besoin de la commune défense, et sans qu’aucun mot d’écrit en eût seulement constaté l’existence, devait-elle être considérée comme contraire à l’esprit et à la lettre du pacte fédéral, et se trouverait-il en diète une majorité pour en prononcer la dissolution ? Telles étaient les questions à l’ordre du jour au printemps de l’année 1847. De leur solution dépendait, on le comprend, l’avenir même de la Suisse.

Avant d’expliquer avec quelques détails quelle fut l’attitude diverse prise à cette époque vis-à-vis de la Suisse par chacun des principaux cabinets de l’Europe, il est peut-être utile de démontrer brièvement pourquoi ces questions, en apparence toutes particulières à la diète helvétique, affectaient cependant les intérêts les plus essentiels des grandes puissances, et comment elles avaient le droit d’y regarder de fort près.

La Suisse occupe sur le continent une position exceptionnelle : placée entre la France et l’Autriche, elle sépare ces deux états militaires, qui auraient probablement grand’peine à vivre jamais en paix, si leurs frontières étaient plus rapprochées, et sert entre eux de barrière infranchissable. Son sol, coupé de lacs et de montagnes, est admirablement disposé pour protéger, d’une part, les provinces lombardes contre une invasion française, de l’autre, nos départemens du sud-est contre une attaque de l’Autriche ; mais, on le comprend aisément, la situation géographique de la Suisse et l’heureuse configuration de son sol