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intérieure, et par cela même à faire respecter la neutralité de son territoire[1]. »

Jamais, jusqu’en ces derniers temps, la confédération helvétique n’avait songé à réclamer contre les traités de 1815. En effet, ces traités avaient été aussi profitables pour elle qu’ils ont été fâcheux pour nous. Jamais non plus les puissances étrangères, nous ne disons pas seulement la France et l’Autriche, plus directement intéressées, comme états voisins, au maintien de la constitution fédérative du corps helvétique, mais les cours plus éloignées, l’Angleterre en particulier, n’avaient varié sur l’interprétation à donner aux stipulations du congrès de Vienne. Dans aucun document diplomatique, la doctrine de la souveraineté individuelle des cantons et le droit des puissances à veiller au maintien de cette indépendance ne sont peut-être plus fortement établis et revendiqués que dans une communication adressée, en 1832, par lord Palmerston au ministre d’Angleterre en Suisse. Le secrétaire d’état de sa majesté britannique s’en exprimait en ces termes :

« La neutralité de la Suisse est essentiellement liée au système fédéral actuellement établi dans ce pays, et en conséquence, lorsqu’en 1815 les grandes puissances de l’Europe ont proposé, dans l’intérêt général de tous non moins que pour le bien particulier de la Suisse, d’investir son territoire du caractère d’inviolabilité et de neutralité perpétuelle, les puissances contractantes ont exigé, comme préliminaire indispensable d’une pareille garantie de leur part, que tous les cantons, sans exception, souscrivissent au pacte fédéral.

« Vous ne devrez pas perdre de temps pour faire les démarches nécessaires, afin de faire connaître à qui de droit les sentimens du gouvernement anglais à ce sujet ; vous direz qu’il est bien loin des intentions du gouvernement de sa majesté d’intervenir dans les affaires purement intérieures du gouvernement suisse, mais que, dans une matière qui a un rapport si direct avec les stipulations des traités dans lesquels la Grande-Bretagne est partie, le gouvernement de sa majesté se persuade qu’une expression franche et sans réserve de ses opinions sera reçue comme une preuve d’intérêt et d’amitié.

« Vous direz que, si les changemens que l’on a l’intention de proposer dans le pacte fédéral portent seulement sur des dispositions réglementaires, il pourrait être plus prudent de les remettre à une époque future, lorsque l’esprit public sera devenu moins agité qu’il ne l’est maintenant, de peur qu’en soulevant ces questions, cela ne mène à d’autres discussions plus embarrassantes ; mais, si l’on a la pensée de faire des changemens tels qu’ils empiéteraient sur la souveraineté indépendante et l’existence politique et séparée des cantons, vous représenterez fortement toutes les difficultés et les dangers que l’exécution d’un pareil projet peut produire, et combien il parait incompatible. Vous ferez observer qu’il est tout-à-fait improbable que tous les cantons s’accordent sur un plan qui ferait un tort manifeste à beaucoup d’entre eux, et que par conséquent

  1. Rapport du comité institué pour les affaires de la Suisse, 16 janvier 1815.