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qui s’étaient d’abord présentées sous un jour assez favorable, vint ravir toutes chances de succès aux démarches conciliatrices essayées par l’ambassadeur français. Les efforts des deux partis s’étaient portés sur le district mixte du Reinthal. Les catholiques, réunis au parti modéré, y avaient conquis un avantage marqué ; mais ils avaient négligé de s’occuper du district de Gasler, dont ils se croyaient sûrs ; ils y furent battus par les exaltés. Ainsi des circonstances électorales insignifiantes par elles-mêmes mettaient le sceau au triomphe du parti exalté en Suisse. Il avait enfin obtenu ce qu’il recherchait depuis si long-temps, le moyen de revêtir des couleurs d’une fausse légalité le joug despotique qu’il se proposait de faire peser sur ses adversaires. Enhardis par leur triomphe du 3 mai à Saint-Gall, les radicaux bernois élurent, le 27 du même mois, l’ancien commandant des corps francs, M. Ochsenbein, chef du conseil d’état de Berne, et, à ce titre, chef du vorort. Enfin, comme si ce choix n’avait pas par lui-même assez de signification, et pour bien établir qu’assurés maintenant de leurs forces ils entendaient marcher à la conquête des cantons récalcitrans, ils exigèrent de leur candidat qu’avant et après sa nomination il rappelât, par des paroles officielles, le souvenir déplorable auquel il devait sa nouvelle dignité. Porter ainsi à la tête de l’état le chef des corps francs, glorifiant lui-même hautement dans le passé une entreprise illégale, annonçant pour l’avenir des mesures d’une égale violence, c’était, pour le parti tout entier, réhabiliter du même coup le principe décrié des corps francs, et s’installer lui-même au pouvoir dans la personne du plus compromis de ses chefs.

Les sept cantons ne se méprirent pas un instant sur le sens des paroles et des actes de leurs adversaires. S’ils avaient eu quelques doutes, ils n’auraient pu les conserver après la discussion et le vote des instructions que le grand conseil de Berne avait remises à ses envoyés à la diète. Les radicaux y avaient fait passer les résolutions les plus extrêmes. La dissolution immédiate du Sunderbund, l’expulsion des jésuites de la Suisse entière par tous les moyens dont peut disposer la diète, la révision du pacte par une constituante nommée en proportion de la population, et d’autres propositions analogues y avaient été adoptées à la majorité de 120, 130 et 145 voix sur 152 votans. En présence de ces menaces, les sept cantons n’hésitèrent pas à maintenir leur alliance et à se préparer à la résistance. Ni à ce moment, ni plus tard, le gouvernement français, ou son agent en Suisse, n’ont eu à se demander s’ils devaient conseiller à la ligue du Sunderbund de s’opposer ou de se soumettre aux décisions de la diète. Leur résolution était toute prise.

Placé entre des agresseurs si arrogans et des opprimés si faibles, mais soutenus par le sentiment de leur droit et de la justice de leur cause, que pouvait faire le représentant d’un gouvernement qui, plein de respect pour le principe tutélaire de l’indépendance des états, ne