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d’états, inégales peut-être en force, mais à coup sûr égales en droits, qui prétendaient toutes deux être reconnues par les puissances étrangères, il était naturel de considérer l’antique confédération helvétique comme actuellement anéantie par ce nouvel état de choses. C’est le point de départ que prit le gouvernement français dans la note par laquelle il invitait, le 4 novembre 1847, les cours d’Angleterre, d’Autriche, de Prusse et de Russie à interposer leur médiation de concert avec la France, et à se réunir en conférences dans une ville voisine de la Suisse, afin d’arrêter la guerre civile, et de rétablir la confédération dissoute[1]. Un projet de note identique accompagnait cette proposition ; elle fut communiquée le 6 par M. de Broglie à lord Palmerston. Déjà l’armée radicale était en marche ; si la médiation n’était promptement offerte, le sang ne pouvait manquer de couler dans peu de jours. Cependant lord Palmerston attendit jusqu’au 16 pour répondre à la communication qu’il avait reçue le 6. Quelle était sa réponse ? A la note déjà tout acceptée par les cours de Berlin et de Vienne, lord Palmerston offrait de substituer un contre-projet, et insistait pour qu’avant d’offrir la médiation aux parties belligérantes, on tombât préalablement d’accord sur toutes les questions que la médiation pouvait soulever ; et comme si ce n’était pas assez de tous ces délais pour laisser aux forces considérables des radicaux le temps d’écraser la faible résistance des cantons du Sunderbund, le secrétaire d’état de sa majesté britannique faisait hâter sous main la marche des troupes expédiées de Berne contre les malheureux défenseurs de Fribourg et de Lucerne. Au moment où il traitait avec les grandes puissances, lord Palmerston se flattait que la victoire du parti radical aurait déjà anéanti, avec la résistance du parti conservateur, l’objet même de la médiation et les concessions qu’il avait été contraint de faire à ses alliés. En donnant à M. Peel connaissance du projet de note concertée, il y joignait de tels accompagnemens (ce sont les propres paroles de M. Peel), que le chargé d’affaires britannique avait dû croire qu’il ne serait jamais question d’en faire usage[2].

Ce ne fut que le 26, deux jours après la prise de Lucerne, que lord Palmerston donna enfin son assentiment à la médiation projetée. À quoi avaient été employés de si longs et de si funestes délais ? Pour le savoir, il suffit de le demander aux documens officiels qui suivent ; leur témoignage est irrécusable.

« M. Peel disait hier à l’ambassade qu’il avait envoyé quelqu’un à Lucerne. Il paraît très embarrassé depuis quelques jours ; son langage est redevenu

  1. Voir le projet de note commune adressé aux cabinets de Londres, Vienne, Berlin et Saint-Pétersbourg, 4 novembre 1847. (Pièces communiquées aux chambres françaises.)
  2. Correspondance de M. de Bois-le-Comte, dépêche du 15 décembre 1847.