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été négligé de notre côté pour y faire adhérer l’Angleterre, à tel point que le tardif assentiment, à grand’peine arraché à lord Palmerston, avait été considéré comme un succès de la politique française. Cependant la médiation, résultat éphémère de l’entente à cinq, ayant échoué précisément parce que l’Angleterre y était entrée, et entrée dans la pensée de la faire échouer, et les dangers, conséquence de l’état violent de la Suisse, n’ayant fait qu’augmenter, les grandes puissances, en particulier l’Autriche et la Prusse, devaient être conduites à chercher dans quelque autre combinaison les garanties devenues nécessaires à la paix du continent. Ces garanties, elles ne pouvaient les trouver ailleurs que dans l’accord avec la France, elles ne pouvaient les demander à d’autres qu’au gouvernement français. L’imminence de cette situation, qui allait rendre notre cabinet arbitre des destinées de l’Europe, était amèrement pressentie par tous les correspondans de lord Palmerston à l’étranger. Il ne faut que parcourir des dernières pages des papiers communiqués au parlement d’Angleterre en 1848 et 1849, pour y voir combien souvent de Berne, de Berlin et de Vienne, les agens anglais appelaient l’attention du principal secrétaire d’état de sa majesté britannique sur les voyages de deux des plus éminens diplomates de la Prusse et de l’Autriche, M. le général Radowitz et M. le comte Colloredo, qui, après s’être rencontrés en Allemagne, se rendaient à Paris. Ces appréhensions des agens anglais n’étaient pas dénuées de fondement. Tel était en effet le résultat de la politique que leur chef avait jugé convenable de suivre en Espagne, en Italie, en Grèce, et, dernièrement enfin, dans les affaires de Suisse. Désespérant de pouvoir jamais s’entendre avec celui qui s’était fait, à Madrid, le patron des cabales des exaltés espagnols, à Rome, à Naples et en Sicile, le promoteur des insurrections et de la levée de boucliers contre l’Autriche, en Grèce, un agent incessant de troubles et de désordre, qui avait livré les conservateurs de Fribourg et de Lucerne à la colère des radicaux suisses, les grandes puissances de l’Europe venaient témoigner à la France le désir de se concerter avec elle à l’exclusion de l’Angleterre. M. le comte Colloredo et le général Radowitz, pendant leur séjour à Paris, mirent en avant l’idée d’une entente à quatre sur les affaires de Suisse. Notre cabinet avait accepté leurs ouvertures, un jour était pris (le 15 mars) pour donner aux arrangemens déjà débattus une forme arrêtée et précise. Ainsi avait été définitivement franchi un pas immense. Ces mêmes puissances du Nord, si hostiles en 1830, qui avaient eu si grande hâte, en 1840, de prendre parti contre nous et pour l’Angleterre au sujet des affaires du Levant, qui étaient restées passives et neutres en 1846 après les mariages espagnols, en 1848 après les affaires de la Suisse, se mettaient avec nous et contre l’Angleterre. Nous n’avions pas passé de