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y a trois ans, à cause de la réduction plus considérable encore qu’ont éprouvée tous les articles de consommation.

Ce dernier point, est matière à controverse. Nous avons vu dix calculs différens, et, tous également spécieux, qui appuient ou renversent cette thèse. Sir George Grey prétend que l’ouvrier agricole, chef d’une famille de cinq personnes, a, au prix actuel du pain en Angleterre, un bénéfice de 75 ou même de 100 francs sur l’année 1846, quoique son salaire ait été réduit de 12 shillings par semaine à 10 ou de 10 à 8, et il assure que, la diminution des denrées alimentaires équivalant, pour l’ouvrier des villes, à une augmentation de salaire de 25 pour 100 ou de trois douzièmes, celui-ci a pu supporter sans inconvénient une réduction de deux douzièmes, ou même de deux dixièmes, sur le prix de son travail. D’un autre côté, le marquis de Granby, s’emparant de ce fait, que le travailleur des campagnes a subi une réduction de 2 shillings par semaine, a établi, par un calcul difficilement contestable, que le bon marché du pain et de la viande en 1849, comparativement avec les années précédentes, ne donne qu’une différence de 1 sh. 3 d. par semaine, en faveur de 1849, pour la consommation d’une famille. Par conséquent, l’ouvrier qui n’a gagné à l’abolition des corn-laws qu’une économie de 1,60 franc par semaine sur sa dépense, et a vu réduire son salaire de 2,50, subit chaque, semaine une perte sèche de 90 centimes. C’est pis encore pour les ouvriers de Manchester, qui, depuis 1846, ont vu diminuer leurs salaires d’un quart ou d’un tiers. En 1846, les tisseurs recevaient 3 sh. 6 d. par pièce de 54 mètres ; en 1849, ils ont reçu 2 sh. 7 d. En 1846, ils recevaient 4 sh. 6 d. pour la pièce de plaid de 64 mètres ; en 1849, la pièce de plaid a été portée à 66 mètres et le salaire réduit à 3 sh. En 1846, le tissage d’une pièce de 75 mouchoirs se payait 4 sh. 6 d. ; en 1849, il ne se paie plus que 3 sh. 8 d. Les tricoteurs de Nottingham ne travaillent pas à la tâche ; ils reçoivent 5 sh. 6 d., c’est-à-dire 6 fr. 25 cent. par semaine ; ils ont demandé, en 1849, à ce que leur salaire fût porté à 7 sh. : les fabricans leur ont répondu qu’ils avaient reçu une suffisante augmentation par la diminution du pain. On voit que le marquis de Granby et sir George Grey sont loin de compte.

Acceptons pour vrai ce qui est encore sujet à contestation ; faisons à sir Robert Peel et aux free-traders une concession complète ; admettons que l’abaissement du prix des objets de consommation compense et fasse même un peu plus que compenser la réduction opérée dans les salaires : un fait très grave reste acquis aux protectionistes. Au milieu d’une prospérité sans mélange, quand toutes les usines travaillent six jours par semaine, quand les partisans de la liberté commerciale n’échangent d’un bout à l’autre de l’Angleterre que des félicitations, l’abolition des lois sur les céréales a eu pour conséquence