point de vue du libre échange, de vouloir se donner une industrie nationale, et d’en favoriser la naissance et les progrès à l’aide d’un tarif douanier. Or, il se trouve que, depuis quarante ans, la qualité de tous les articles manufacturés s’est améliorée, le prix a diminué dans une proportion notable, la consommation s’est considérablement accrue. Le système protecteur n’a donc produit aux États-Unis aucun des résultats funestes que l’école de Manchester a coutume de lui attribuer. La protection n’a pas seulement permis à l’industrie américaine de grandir et de prospérer ; elle a réagi sur l’industrie anglaise. Le fabricant de Lowell livre aujourd’hui avec bénéfice au commerce américain de très beaux passemens à un prix inférieur de 70 pour 100 à ce qui était, il y a quarante ans, à Dundee et dans toute l’Écosse le prix de revient des passemens les plus médiocres. Nous pourrions citer beaucoup d’articles, notamment les tissus de soie et de coton, dont le prix a éprouvé un avilissement de 25, de 30, de 40 et même de 50 pour 100, en même temps que la qualité s’améliorait. En effet, le fabricant de Manchester, de Nottingham ou de Glasgow, qui, avant la guerre de 1812, réalisait d’assez beaux bénéfices, tout en fabriquant mal et en payant des droits considérables sur les matières premières, a dû sortir de son apathie pour lutter contre la concurrence que la protection lui suscitait au sein même de son marché le plus important ; il a dû fabriquer mieux et abaisser ses prix. À chaque effort de l’industrie anglaise a correspondu aux États-Unis un progrès nouveau, et le commerçant anglais, à qui le tarif américain ne permettait pas d’écraser ses rivaux par un grand coup, a dû s’imposer sans cesse de nouveaux sacrifices. Il a fallu alors que l’Angleterre touchât à ses propres tarifs, qu’elle diminuât presque d’année en année les droits sur les cotons, et qu’elle les fît enfin disparaître entièrement. Cela n’a pas suffi pour tuer l’industrie américaine ; aujourd’hui, celle-ci tend à se développer dans les parties des États-Unis qui produisent les matières premières, dans la Georgie, par exemple, et dans la Caroline du sud, de telle façon que l’usine se trouvera à côté du champ qui produit le coton, et bénéficiera du prix que coûte le transport de la matière première. La seule chose qui empêche le manufacturier américain de triompher complètement dans cette lutte, c’est le haut prix de la main-d’œuvre aux États-Unis. Là est la dernière ressource des fabricans anglais. Après avoir opéré sur les procédés de fabrication toutes les simplifications possibles, après avoir diminué, autant qu’il était en eux, et le prix de la matière première et leurs propres bénéfices, il ne reste plus de réduction possible que sur les frais de production, c’est-à-dire sur les salaires. Or, les enquêtes parlementaires faites à deux reprises depuis 1830, et dont les résultats sont confirmés par une enquête volontaire qui se poursuit en ce moment même, ont démontré que le salaire des ouvriers, même quand il n’y a pas de chômage, suffit à peine à les empêcher de mourir
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