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Robert Peel en parle bien à son aise, disait, il y a quelques jours, lord Henri Bentinck, lui qui a les trois quarts de sa fortune dans les fonds publics, à l’abri de toute variation, de toute perte et de tout impôt, et qui peut consacrer une partie de son superflu à se passer la fantaisie de devenir un agriculteur modèle. »

L’agriculture anglaise est déjà supérieure à l’agriculture du continent ; elle peut sans doute faire encore des progrès, mais ces progrès suffiraient-ils à la tirer de la détresse ? Cela est douteux. On peut améliorer les systèmes de culture sur le continent aussi bien qu’en Angleterre, le champ des améliorations y est même plus vaste, puisque tout est encore à faire. Les progrès seraient rapides le jour où on s’apercevrait en France, en Belgique, en Prusse, que l’exportation des grains peut devenir une industrie lucrative. Depuis cinq ans, les exportations de la France ont toujours été en croissant : quelques travaux de viabilité, l’achèvement de quelques chemins de fer ou de quelques canaux, en permettant aux céréales de nos départemens agricoles d’atteindre facilement nos ports de mer, donneraient à ces exportations un très grand développement. Les perfectionnemens les plus importans ne procureraient donc jamais à l’agriculture anglaise qu’un soulagement momentané, et elle a besoin d’un remède d’une efficacité durable. Il importe surtout de faire disparaître l’incertitude qui pèse sur elle. L’agriculteur anglais est obligé de faire entrer dans ses prévisions les accidens de toute sorte, l’inconstance des saisons, les variations de la température et celles de la consommation. Maintenant son sort ne dépend plus seulement de ces conditions déjà si mobiles, mais des vicissitudes que peuvent éprouver les récoltes de tous les pays du monde. Il a été écrasé en 1849 par la concurrence de la Prusse, de la Hollande et de la France ; en 1850, les États-Unis, qui n’ont eu l’année dernière qu’une récolte à peine suffisante, inonderont peut-être les marchés de la Grande-Bretagne, et jamais il ne sera possible au cultivateur anglais de savoir avec probabilité ce qu’il peut craindre et ce qu’il peut espérer.

Aussi la presque universalité des propriétaires et des cultivateurs anglais s’est-elle ralliée à l’idée du rétablissement d’un droit modéré sur les céréales étrangères. Telle est la conclusion de presque tous les orateurs qui ont parlé dans les nombreux meetings tenus depuis le mois de juillet 1849 ; c’est aussi celle de presque toutes les pétitions votées dans ces réunions. Le bruit s’est répandu un instant, dans le mois de décembre, qu’une scission avait éclaté au sein du cabinet, qui compte parmi ses membres quelques-uns des plus grands propriétaires anglais. Trois ou quatre ministres devaient se retirer, et les autres auraient proposé le rétablissement d’un droit sur le blé. Ce qui donnait quelque apparence de fondement à cette rumeur, c’est que lord John