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soutenues par la majorité. Rien d’ailleurs ne répond mieux à la nature de la majorité que cette organisation fédérative, car la majorité est véritablement une fédération de salut public.

Parlons plus familièrement : avoir son chez soi et se faire de fréquentes visites, voilà la bonne manière d’être bons amis. Les ménages en commun ne réussissent pas long-temps. Il faut qu’on ait plaisir à s’aller voir, et que la réunion ne soit pas une affaire de nécessité, mais l’effet d’un bon penchant. Si nous ne nous trompons pas, ce genre d’organisation où chaque parti aura plus de liberté et où la majorité aura plus de cohésion est en train de se faire, et nous nous en félicitons. Tout ce qui donnera à la majorité plus d’union et plus de concert, tout ce qui assurera la prépondérance de la majorité dans l’assemblée, tout ce qui imprimera aux délibérations une marche plus sûre et plus rapide, importe au salut de la société. Rien n’affaiblit et ne discrédite le gouvernement parlementaire comme le désordre et le décousu des discussions. Rien ne l’honore et ne le remet en crédit comme l’ordre et la gravité des délibérations. Comparez, je vous en prie, l’effet que produit une délibération conduite par les orateurs de la montagne avec une délibération conduite et animée par les orateurs de la majorité. Après les violences confuses de la montagne, le pays est disposé à prendre en dégoût la liberté de la tribune elle-même et toutes les libertés ; il demande instamment le repos ; il ne comprend plus l’ordre que sous la forme du silence. Après une délibération conduite par les orateurs de la majorité, le pays, ranimé et consolé par ce noble emploi du talent et de la conscience, croit de nouveau que le gouvernement parlementaire est possible, ’et qu’il faut en supporter les inconvéniens pour en avoir les avantages et l’honneur. Quand il croit cela, le pays, selon nous, a raison. Oui, le gouvernement parlementaire est possible, s’il rentre dans les habitudes morales et intellectuelles qu’il a eues si long-temps, s’il reprend cette discipline salutaire qui s’appelle dans le monde la bonne éducation. Voilà l’œuvre à laquelle la majorité doit consacrer tous ses efforts. Nous savons bien que le gouvernement parlementaire doit se transformer, nous savons bien qu’il ne doit pas suivre la route ancienne ; la constitution de 1848 donne à l’assemblée législative plus de souveraineté à la fois et moins de liberté que n’en avaient les chambres de la monarchie constitutionnelle. L’assemblée est plus souveraine que les chambres dans les grands jours, elle est moins libre tous les jours. Elle peut accuser le président ; elle peut faire des lois dictatoriales ; elle peut beaucoup dans le cercle révolutionnaire ; elle peut moins dans le cercle légal et administratif. Elle peut beaucoup enfin là où elle ne veut pas ; elle ne peut presque rien là où elle serait tentée de vouloir. Nous serions disposés à croire que, dans le régime nouveau, c’est l’assemblée qui règne et le président qui gouverne : mauvais partage, selon nous ; car celui qui règne sans gouverner essaie toujours de gouverner, et à son tour celui qui gouverne sans régner, essaie de régner.

En signalant l’importance et l’utilité politique des grandes et belles discussions qui honorent et qui accréditent le gouvernement parlementaire, nous pensions aux débats de la loi sur l’instruction secondaire, aux discours qui les ont animés, et surtout à celui de M. Thiers. Cette grande discussion a beaucoup