seule personne qui te pût consoler, un astre pour la beauté, un ange pour la douceur, une enchanteresse pour les grâces. Remercie Dieu de cette rencontre, Quillet. Ne sois point ingrat.
Quand il eut achevé son monologue, l’abbé prit congé de Claudine et courut parler d’elle à tous ses amis. Il en entretint particulièrement M. d’Estrées avec des hyperboles incroyables. Le maréchal avait l’esprit court, mais il recherchait volontiers les gens qui l’avaient plus long que lui. Il voulut voir cette beauté dont M. Quillet vantait si haut les grâces. Un personnage de son âge et de sa qualité n’était point de ceux qui trouvaient les portes fermées. Claudine le reçut avec les honneurs qu’il méritait. Elle écouta les radotages du maréchal, ses rodomontades militaires, ses anecdotes souvent insipides touchant son ambassade àRome, avec autant de complaisance que les récits de M. Quillet, et, comme elle parla peu, le vieillard fut enchanté d’elle. M. d’Estrées, frère de la belle Gabrielle, était d’amoureuses manières. Il se croyait tout permis avec les femmes, en sorte que, dès la seconde visite à Mu* Simon, il commença sans préambule par lui déclarer sa flamme. Au premier mot, il se vit couper la parole.
— Monsieur le maréchal, lui dit Claudine, vous êtes un brave militaire, et je vous répondrai avec la franchise des gens de votre profession. Je suis trop loyale et je vous veux trop de bien pour vous laisser perdre votre temps. Sachez donc que je suis déterminée à vivre honnêtement et à n’écouter personne plus favorablement que vous. Si vous daignez accepter mon amitié, vous pourrez vous convaincre de la vérité de mes paroles et de la fermeté de mes résolutions en observant ma conduite à venir. N’allez pas plus loin, je vous prie, dans votre déclaration, et causons, s’il vous plaît, d’autre chose.
— Par ma foi ! dit le vieux maréchal, voilà une explication comme je les aime. Je crois à votre sincérité aussi bien qu’à votre vertu. Touchez là, mademoiselle ; soyons amis, et je me divertirai à voir de plus jeunes que moi se brûler à la chandelle.
Depuis ce moment, M. d’Estrées ne s’avisa plus de prendre des libertés avec Claudine, et lui témoigna plus d’estime qu’à personne au monde. Quillet allait partout célébrant les charmes de son amie. En sa qualité de poète, il voyait les auteurs à la mode, l’abbé Conrart, Colletet et l’illustre Chapelain, dont la gloire atteignait à son apogée, car la Pucelle n’avait point encore paru. Ces divers personnages, toujours en quête d’applaudissemens, souhaitèrent les suffrages de Mlle’ Simon avec d’autant plus d’appétit, que la jeunesse et la beauté n’étaient point l’apanage de leurs admirateurs ordinaires. Ils arrivèrent tous à la fois dans le nouveau temple ouvert au bel esprit. De son côté, le maréchal d’Estrées amenait avec lui des gens de cour et des militaires. En peu de jours, le petit salon de Claudine devint un pays de conversation