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sur les trumeaux et entre les fenêtres de la galerie les principales villes de France, prétendait tout subordonner à ses tableaux. Poussin paraît ne l’avoir guère mieux reçu que les autres. « Le baron Fouquières, dit-il, est venu me trouver avec sa grandeur accoutumée ; il trouve fort étrange que l’on ait mis la main à la grande galerie, sans lui en avoir communiqué aucune chose. Il dit avoir un ordre du roi, confirmé par monseigneur de Noyers, touchant ladite direction, et prétend que les paysages sont l’ornement principal dudit lieu, étant le reste seulement des accessoires. J’ai bien voulu vous écrire ceci, seulement pour vous faire rire. » Ce Fouquières, qui se prétendait noble et ne peignait que l’épée au côté, est un exemple remarquable de l’espèce de vengeance que le temps exerce sur les hommes que l’engouement du public ou leurs propres intrigues élèvent au-dessus de leur véritable mérite. Félibien le nomme excellent paysagiste, et il est tombé dans un tel oubli, que le Louvre, qu’il devait décorer, ne possède aucun de ses ouvrages, et que nous en avons vainement cherché dans les musées de Hollande et de Belgique[1]. Fouquières était loin cependant de manquer absolument de mérite. Ses paysages n’ont rien qui rappelle le style de Poussin ou la couleur du Lorrain ; mais, quoique les fonds de ceux que nous avons vus soient fort gâtés, on y distingue des qualités réelles, de l’entente dans la disposition de la lumière, de la solidité dans les terrains, un dessin sans force, mais pas incorrect, une couleur sans éclat, mais qui ne mangue pas d’agrément.

Les menées et les intrigues de Le Mercier et de Vouet commencèrent, vers la fin de cette année, à inquiéter Poussin ; elles ne ralentissaient pas son activité, mais elles le fatiguaient et l’aigrissaient, comme le témoignent ses lettres de cette époque. « Je travaille sans relâche, tantôt à une chose, tantôt à une autre. Je supporterois volontiers ces fatigues, si ce n’est qu’il faut que des ouvrages qui demanderoient beaucoup de temps, soient expédiés tout d’un trait. Je vous jure que, si je demeurois long-temps dans ce pays, il faudroit que je devinsse un véritable strappazzone, comme ceux qui y sont. Les études et les observations sur l’antiquité n’y sont connues d’aucune manière, et qui a l’inclination à l’étude et à bien faire doit certainement s’en éloigner.

« J’ai fait commencer, d’après mes dessins, les stucs et les peintures de la grande galerie, mais avec peu de satisfaction (quoique cela plaise a ces…), parce que je ne trouve personne pour seconder un peu mes intentions, quoique je fasse les dessins en grand et en petit[2]. »

Poussin espéra long-temps que son activité, les résultats de son travail, que l’on pouvait déjà entrevoir, et surtout le succès de ses ta-

  1. Fouquières est né à Anvers et a long-temps travaillé à Bruxelles.
  2. Au chevalier del Pozzo. Correspondance, p. 64.