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mais nous demandons qu’on ne tombe pas dans l’excès opposé, Que fera le recteur dans le conseil académique, s’il est le seul qui connaisse les matières de l’enseignement, et que cependant ce conseil ait à décider des questions qui touchent à l’enseignement ? En fait d’instruction, chacun a sa petite méthode et son système ; chacun veut enseigner comme il a appris. De deux choses l’une ou il faudra ôter aux conseils académiques la compétence absolue en matière d’enseignement, ou il faudra donner au recteur un ou deux assesseurs dans le conseil.

Ce que les conseils académiques auront surtout à surveiller, c’est la direction morale de renseignement. C’est là, ce que M. Thiers appelle avec raison le gouvernement de l’instruction, et c’est pour cela qu’il est bon que les conseils-généraux aient grande part à ce gouvernement. L’esprit général de la société y pénétrera plus aisément, et, loin de devenir plus clérical, l’enseignement deviendra plus laïque que jamais ; nous craignons même qu’il ne le devienne trop, et, que l’esprit de la société ne pénètre dans l’enseignement pour l’abaisser, pour le rendre plus usuel et plus pratique, moins lettré, moins philosophique. Le siècle tourne plutôt vers l’industrialisme que vers la théologie. Il faudra donc, nous en sommes convaincus, lutter énergiquement, afin d’empêcher les conseils académiques de se mêler de l’enseignement afin de l’abaisser, et, dans cette lutte, nous sommes persuadés que l’administration de l’instruction publique, si elle veut l’engager, sera puissamment soutenue par M. Thiers ; car ce qui l’inquiète avec raison, c’est l’abaissement continu des esprits. Pourtant M. Thiers ne s’en prend pas à l’Université. Nous reconnaissons là l’esprit juste et pénétrant de M. Thiers. Non, quand il y a un mal général et continu, soyez sûr que ce n’est pas quelqu’un ou quelque chose qui en est coupable : c’est tout le monde. Comme M. Thiers a bien peint notre société et cette hâte imprudente de tout le monde : les pères voulant, que leurs enfans aient fini leurs études le plus tôt possible et qu’ils entrent, bien vite dans le monde et dans une profession ; les enfans et les jeunes gens, en proie au même vertige d’impatience, se hâtant vers un état et surtout vers la fortune, voulant tout avoir et se dispensant, au nom de leur génie prétendu, de ces deux conditions du succès, le travail et le temps ! Échouent-ils ? ils s’en prennent à la société. Il y a un droit que nous nous étonnons de ne pas voir inscrit dans les programmes de faiseurs d’avenir, c’est le droit de la vanité à la fortune et à la gloire. C’est ce droit-là qui fait le fonds de toutes les réclamations et de toutes les insurrections.

Le discours de M. Thiers est un chef-d’œuvre de raison et de bon goût. Nous savons bien qu’il ne corrigera personne, mais au moins il accuse tout le monde.

Nous ne voulons pas finir cette énumération des discussions de l’assemblée législative sans dire un mot de la Grèce, car nous ne voulons en dire qu’un mot, et voici pourquoi : la brusque attaque que lord Palmerston et l’amiral Parker viennent de se permettre contre la Grèce et contre son commerce est une boutade, et alors cette boutade n’aura aucun effet, ou c’est le commencement de quelque chose, et alors c’est une question que nous ne voulons pas traiter en courant. Toutes les questions aussi bien qui naissent en Orient, ont ce caractère : elles peuvent n’être rien ; elles peuvent être tout. Ainsi, quand la flotte anglaise a franchi les Dardanelles, cela pouvait être entre la Russie et l’Angleterre le commencement de la grande lutte qui sera la fin de l’Europe. Il a plu