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BELLAH.

pelé, peu de temps après, au commandement des côtes de Brest, il recruta ses forces de plusieurs corps détachés de l’armée du Nord. La 60* demi-brigade, dans laquelle servait Pelven, fut la première que Hoche songea à réclamer, et Hervé rentra en armes sur la terre natale. Il trouva en grande faveur auprès du général le jeune homme que nous connaissons sous le nom de Francis. Suivant les commérages mystérieux de l’état-major, la mère toute jeune encore de cet enfant s’était rencontrée avec le général républicain dans les prisons, et lui avait recommandé son fils en partant pour le terrible tribunal d’où l’on ne revenait pas. Soit simple piété pour le vœu d’une mère mourante, soit ressouvenir de quelque sentiment plus doux, il est certain que le général avait placé sur cette jeune tête une vive affection.

Un jour d’hiver de l’année 1794, Hoche, rejoignant son quartier général avec trois bataillons, fut attaqué sur les bords de la Vilaine par les blancs de Stofflet. Du haut d’un tertre où il se tenait pendant le combat, il vit tout à coup son jeune aide-de-camp enlevé, presque à ses pieds, par cinq ou six partisans. Au même instant, un officier républicain s’élançait, les rênes aux dents, au travers du groupe ennemi qui entraînait le brave enfant, et, soulevant le prisonnier par le collet de son habit, il rapportait ce trophée vivant jusqu’au pied de l’éminence, sur laquelle tout l’état-major battit des mains. Par cette prouesse chevaleresque, Hervé avait fortifié d’un sentiment de vive reconnaissance l’intérêt amical que Hoche lui témoignait. Quant à Francis, il avait conçu pour son libérateur une affection passionnée et enthousiaste.

Quelques semaines plus tard fut signée la première pacification de la Vendée et de la Bretagne. Hervé reçut alors une lettre de sa sœur, qui le priait d’obtenir pour elle et pour ses compagnes d’émigration la liberté de rentrer en France : elle demandait, en outre, qu’une escorte de soldats républicains les protégeât jusqu’à Kergant contre les chouans ennemis de la pacification, qui pourraient vouloir se venger sur elles de la part que le marquis avait prise à cet heureux résultat. Malgré le peu de fond qu’il faisait sur cette paix incomplète, Hoche n’imagina pas que la présence de deux ou trois femmes pût accroître les dangers que la Bretagne préparait encore à la république. Le 9 thermidor avait d’ailleurs fait succéder au régime de la terreur un système plus clément. Enfin le marquis de Kergant se trouvait au nombre des chefs royalistes amnistiés. Hoche n’hésita donc pas à faire cette innocente concession à un homme dont il était personnellement le débiteur, et dont le caractère lui inspirait une confiance absolue. — Le lecteur connaît maintenant les motifs qui amenaient sur la côte de F… le détachement de grenadiers républicains que nous y abandonnons depuis trop long-temps.