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dans sa harangue : « Elle reprendra sa première splendeur cette noblesse tant abaissée maintenant par quelques-uns de l’ordre inférieur sous prétexte de quelques charges ; ils verront tantôt la différence qu’il y a d’eux à nous[1]. » La même affectation de morgue d’une part, la même susceptibilité de l’autre, accompagnèrent presque toutes les communications de la chambre noble avec la chambre bourgeoise quand il s’agit d’établir un ordre pour les travaux, le clergé et la noblesse s’accordèrent ensemble, mais le tiers-état, par défiance de ce qui venait d’eux, s’isola et fit tomber leur plan, quoique bon. Peu après, la noblesse tenta une agression contre la haute bourgeoisie ; elle résolut de demander au- roi la surséance et par suite la suppression du droit annuel dont le bail allait finir, et elle obtint pour cette requête l’assentiment du clergé. La proposition des deux ordres fut adressée au tiers-état ; qu’elle mit dans l’alternative, ou de se joindre à eux et de livrer ainsi les premiers de ses membres à la jalousie de leurs rivaux ou, s’il refusait son adhésion, d’encourir le blâme de défendre par égoïsme un privilège qui blessait la raison publique, et ajoutait un nouvel abus à la vénalité des charges.

Le tiers-état fit preuve d’abnégation. Il adhéra, contre son intérêt, à la demande de suspension de la taxe moyennant laquelle les offices étaient héréditaires, et, pour que cette demande eût toute sa portée logique, il la compléta par celle de l’abolition de la vénalité[2]. Mais, exigeant des deux autres ordres sacrifice pour sacrifice, il les requit de solliciter conjointement avec lui la surséance des pensions, dont le chiffre avait doublé en moins de quatre ans[3], et la réduction des tailles devenues accablantes pour le peuple. Sa réponse présentait comme connexes les trois propositions suivantes : supplier le roi, 1° de remettre pour l’année courante un quart de la taille ; 2° de suspendre la perception du droit annuel, et d’ordonner que les offices ne soient plus vénaux ; 3° de surseoir au paiement de toutes les pensions accordées sur le trésor ou sur le domaine. La noblesse, pour qui les pensions de cour étaient un supplément de patrimoine, fut aussi frappée par représailles ; mais, loin de se montrer généreuse et d’aller droit, comme ses adversaires, elle demanda que les propositions fussent disjointes, qu’on s’occupât uniquement du droit annuel, et qu’on remît à la discussion des cahiers l’affaire des pensions et celle des tailles. Le

  1. Mercure françois, troisième continuation, t. III, année 1614, p. 32.
  2. Voyez le discours du lieutenant-général de Saintes, Relation des États de 1614 par Florimond Rapine, p. 167.
  3. Depuis la mort de Henri IV.