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fondamentale l’union du christianisme et de la philosophie, et comme nécessaire à la civilisation leur coexistence régulière au sein de la société.

Que si une telle conviction avait encore besoin d’être justifiée, qui serait plus capable de lui donner gain de cause que le double spectacle de l’histoire du passé et de l’état des esprits ? Qu’avons-nous vu jusqu’à présent ? Tantôt la religion dominant seule, nourrissant d’abord les ames de vérités pures et de sublimes espérances, couvrant et fécondant le sol de ses bienfaits sans mélange, puis, par la suite des temps, faute du contrôle sévère de l’intelligence et de la critique, accueillant peu à peu et cachant sous son manteau les ignorances, les superstitions, les persécutions, les convoitises ; tantôt la philosophie proclamant la liberté, la tolérance, l’égalité humaine, mais, privée de l’esprit religieux, devenant bientôt destructive et impie, aboutissant aux saturnales de 93, au scandale honteux et impie du couronnement, sous la plus impure des images, de je ne sais quelle raison matérialiste déifiée par la passion en délire. Après une telle expérience, la société ne verra-t-elle donc se lever jamais des jours où, dans leur développement parallèle et pacifique, la philosophie et la religion la serviront de concert par leur rivalité sans haine et par leurs efforts sans hostilité, où la philosophie sera pour la religion comme un stimulant actif et énergique de liberté, de tolérance et de progrès, où la religion sera pour la philosophie comme le rappel éternel de ces vérités morales sans lesquelles la lumière philosophique n’est qu’une fausse lumière, et le progrès social qu’un progrès menteur. L’idée de la personnalité distincte et permanente de l’homme et celle de l’épreuve opposées à la divinisation de l’humanité par le socialisme panthéistique et à la théorie de la jouissance à tout prix, n’est-ce pas un terrain sur lequel religion et philosophie peuvent s’entendre pour combattre le combat de la vérité contre le grand mensonge contemporain ?

En se rattachant de plus en plus au siècle qui a donné le modèle jusqu’à présent le plus accompli de cette alliance, en relevant le drapeau, trop long-temps éclipsé devant Locke et l’Angleterre, devant Reid et l’Écosse, devant Schelling et l’Allemagne, de la philosophie du XVIIe siècle, de la philosophie de Descartes, M. Cousin a donné un gage décisif à cette pensée d’union. Les folies de l’école hégélienne n’ont pas, il le déclare avec plus de force encore dans sa nouvelle édition, d’adversaire plus décidé ; on ne peut que l’en féliciter vivement. Rien ne pourrait faire plus de tort à la philosophie spiritualiste que cette imputation de germanisme dont elle rejette nettement la solidarité. M. Cousin s’est sans doute parfaitement défendu contre le reproche, assez singulier en effet, de manquer de patriotisme en philosophie. Il a pu prouver qu’il était légitime et bon de faire en métaphysique ce qui avait