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à profit un grand nombre d’airs napolitains, qu’on reconnaît facilement au rhythme bondissant, et jovial qui les caractérise. On prépare la reprise des Huguenots avec une nouvelle mise en scène, et puis viendra l’opéra de M. Auber.

Le théâtre de l’Opéra-Comique est plus heureux que sage. Tout lui réussit, et la moindre bagatelle lui suffit pour remplir sa caisse de beaux écus d’or. Il se plaint pourtant de sa misère, et voudrait bien qu’on s’apitoyât sur son malheureux sort ; mais d’autres, M. Perrin ! Vous ne nous ferez jamais croire que vous ayez besoin que le gouvernement augmente encore la trop large rétribution qu’il vous accorde. Le succès de l’opéra des Porcherons se confirme et s’agrandit. On retrouve dans la charmante musique de M. Grisar quelque chose de la veine piquante de Grétry et du charme de Cimarosa. Le troisième acte des Porcherons est un morceau vigoureusement conçu, qui présage l’avènement d’un nouveau compositeur.

Que dirons-nous du Théâtre-Italien ? Hélas ! rien qui puisse intéresser l’esprit et le cœur des vrais dilettante. M. Ronconi, qui s’obstine à vouloir être un médiocre directeur, au lieu de rester un virtuose de grand mérite, aura contribué à éloigner la société élégante du théâtre qu’elle avait choisi pour lieu de rendez-vous et d’agréable passe-temps. Il est impossible de se faire une idée de la manière dont on a assassiné, selon l’heureuse expression d’une femme d’esprit, le chef-d’œuvre de Cimarosa et celui de Mozart. Excepté M. Lablache, qui est partout en toujours un virtuose de premier ordre et le seul représentant, qui nous nous reste de la vieille et bonne école italienne, les autres chanteurs ont paru aussi étrangers au style de l’auteur de Don Giovanni que le public a été étonné de les entendre.

Les concerts, et surtout les bons concerts, sont très nombreux cet hiver à Paris. Ceux du Conservatoire jouissent toujours de leur antique renommée, si noblement acquise. Vient ensuite la société de l’Union musicale, sous la direction, de M. Seghers, artiste sérieux et d’un vrai mérite, qui a eu l’heureuse idée de mettre à la portée des bourses les plus modestes le plaisir exquis d’entendre exécuter les chefs-d’œuvre de la musique, instrumentale de tous les genres et de toutes les écoles. Son entreprise a parfaitement réussi, et la société de l’Union musicale a désormais sa place à côté de la Société des Concerts, dont elle est la fille humble et reconnaissante. MM. Berlioz et Dietsch ont pensé, de leur côté que le besoin d’une troisième société musicale se faisait généralement sentir : ils ont fondé la grande Société philharmonique de Paris, qui doit donner un concert tous les mois. Si cette société se propose un but sérieux et veut contribuer, avec ses deux aînées, à vulgariser les grandes conceptions de l’art musical elle aura notre concours et celui de tous les juges compétens ; mais, si la grande Société philharmonique de Paris ne devait servir de théâtre qu’aux tours plus ou moins fantastiques de M. Berlioz, elle ne tarderait pas à succomber sous l’indifférence publique.


P. SCUDO.