Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/993

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nation, notre proche voisine, et qu’elle y est à demeure ; du moment qu’une autre grande nation, éminemment digne, malgré L’étendue de l’océan qui nous en sépare, de l’attention de nos hommes publics par ses institutions et sa prospérité, se l’est assimilée, la grande commission de l’assistance et de la prévoyance publiques ne pouvait se dispenser de la discuter ; elle ne l’a même pas nommée.

Comme exemple des cas où la bienfaisance privée intervient à côté de la bienfaisance publique, pour rendre des services signalés, revenons aux caisses de secours mutuels, sujet plus complexe qu’il ne le semble au premier abord.

L’absence de représentans plus ou moins nombreux des classes aisées dans les sociétés de secours mutuels a des inconvéniens de bien des genres, une comptabilité mal tenue, une mauvaise administration, parfois même du gaspillage et de la débauche[1], et, ce qui est plus grave encore, les fonds, qui étaient destinés à soulager des malades et à empêcher les enfans de souffrir pendant que le père est éloigné du travail par la maladie, sont détournés de leur destination sacrée pour soutenir des coalitions ; ils l’ont été pour salarier des agens de discorde et solder la guerre civile au sein de nos cités. Le concours de la bourgeoisie dans les sociétés de secours mutuels produirait de grands biens sans mélange de mal. Plus habilement administrées, les caisses auraient toute leur puissance de secours ; leurs ressources recevraient la meilleure destination, la seule légitime. Il serait impossible désormais d’en faire des foyers de discorde ; les agitateurs y seraient contenus ou s’en écarteraient d’eux-mêmes. Le malheur de notre temps, c’est qu’on est parvenu à couper la société en deux camps, entre lesquels un fossé profond est creusé, la bourgeoisie d’un côté, les ouvriers de l’autre. Vainement ces deux intérêts sont, de par la force des choses, solidaires ; on les a mis en état d’hostilité, tantôt flagrante, tantôt dissimulée. Le rapprochement entre ces deux forces si bien faites pour s’entr’aider sera le signe que la révolution est terminée et que nous sommes sauvés. Tout ce qui est de nature à favoriser cet accord doit être accueilli avec empressement et reconnaissance. Or, on concevrait difficilement rien qui y fût plus propre qu’une institution au sein de laquelle le bourgeois et l’ouvrier réunis spontanément, en grand nombre, s’occuperaient, à titre d’associés et de collègues, d’une œuvre de bienfaisance dont profiteraient les classes nécessiteuses en y contribuant elles-mêmes. Il y aurait là de quoi adoucir les cœurs les plus ulcérés et ramener les ames les plus rebelles. Toutes les occasions qu’on pourra faire naître, à propos des caisses de secours ou autrement, de mettre

  1. Je renvoie sur ce point aux écrits de MM. Degérando, Alban de Villeneuve-Bargemont, etc.