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grandes que dans le désert. Les deux missionnaires arrivèrent en assez bonne santé à Bathang, ville séparée de H’Lassa par une distance d’environ quatre cents lieues ; c’est à Bathang que finit non pas le Thibet, mais la puissance temporelle du Talé-lama. Le pays où on entre alors n’est pas encore la plaine ; mais les montagnes s’adoucissent considérablement, et on commence à voir de larges et fertiles vallées. Du reste, les montagnes du Thibet elles-mêmes paraissent être fécondes en gras pâturages ; elles renferment en outre de grandes richesses métallurgiques.

Sortis du Thibet, MM. Huc et Gabet n’avaient plus que la Chine à traverser : pour eux, ce n’était rien. Au commencement d’octobre, ils arrivèrent à Macao. Après s’être un peu reposé dans la procure de sa congrégation, M. Hue rentra en Mongolie ; il y est encore. M. Gabet, dont la santé était détruite, revint en France. Dès qu’il eut recouvré quelques forces, il alla chercher au Brésil de nouvelles fatigues. Telle est la vie du missionnaire. Quant à l’œuvre que les deux fils de saint Vincent de Paul espéraient accomplir, elle n’est pas abandonnée. Il faut d’autres obstacles pour faire renoncer l’église à porter l’Évangile dans les pays qui ne le connaissent point. Un vicariat apostolique du Thibet oriental a récemment été érigé par le saint-siège. Cette mission, dont le terrain a été si courageusement reconnu par MM. Huc et Gabet, sera surtout confiée au zèle des lazaristes ; elle formera le septième de leurs établissemens dans la Haute-Asie. Les six missions déjà établies et florissantes comptent vingt-quatre religieux et dix sœurs de la Charité, secondés par quarante prêtres indigènes.


IV.

Le livre de MM. Huc et Gabet soulève une question qu’il serait fort difficile de résoudre, mais qu’il faut au moins indiquer. Quel est l’avenir des peuples bouddhistes ? quelle influence aura le Thibet sur les destinées de l’extrême Orient ? On a long-temps cru que le bouddhisme avait complètement énervé les peuples qui le pratiquent. La relation des missionnaires français témoigne contre cet arrêt. Le nomade de la Mongolie et du Thibet ne ressemble guère, sans doute, au Tartare tel que nous sommes habitués à nous le figurer ; mais, bien que le Mongol n’ait point les mœurs féroces que lui prête la tradition, il pourrait encore sortir de la Terre des Herbes de redoutables armées, et, comme soldat, avant le Mongol il faut placer le Thibétain. Si jamais un des principaux bouddha-vivans est saisi de quelque grande ambition, s’il se trouve sur le siège de H’Lassa ou sur celui de Djachi-loumbo un