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des sommations réitérées, bien plus désireuse au fond de les voir repoussées que jalouse de les faire accueillir.

L’Allemagne et particulièrement l’Autriche répugnaient si manifestement à la guerre, même aux premiers jours de 1792, que la plupart de ces sommations furent admises, quelle que fût la violence avec laquelle elles se produisaient à la tribune de l’assemblée, surtout à celle des jacobins, qui était la tribune officielle de la révolution et de son gouvernement. C’est ainsi que les rassemblemens d’émigrés formés sur les frontières, dans les électorats du Rhin, furent dissous par les princes allemands à la demande de la France sur les injonctions de la cour impériale. Mais les chefs de la gironde dans la pensée d’achever la ruine de la monarchie, et certains membres du parti constitutionnel dans l’espérance de lui rendre quelques chances de salut, poussaient à la guerre avec une persévérance si obstinée, que la coalition se resserrait chaque jour par la force même des choses, malgré les dispositions pacifiques des cabinets. Bientôt la mort de l’empereur Léopold, coïncidant avec la mise en accusation des courageux ministres dont on demandait la tête, en attendant celle de leur maître, vint ôter à la paix ses dernières chances, et aux gens de bien leurs dernières illusions. Les cabinets qui avaient résisté le plus énergiquement à la guerre comprirent qu’on la voulait trop résolûment à Paris pour qu’il fût long-temps possible de l’éviter, et se préparèrent à entrer en campagne. Un traité d’alliance fut enfin signé, et ce traité, bientôt connu, donna en France au parti de la guerre une prépondérance irrésistible. Louis XVI voulut alors prendre l’initiative d’une résolution à laquelle il était sans nul moyen de s’opposer. Soit espoir de retrouver pour lui-même une chance de salut au milieu de ces chances nouvelles, soit désir de faire descendre un dernier rayon de popularité sur ce front qu’attendait bientôt une autre couronne, il vint d’une voix ferme et avec une contenance presque joyeuse proposer à l’assemblée législative de déclarer la guerre au roi de Hongrie et de Bohême[1].

Ces faits défient toute contradiction, et permettent de décider si ce fut l’Europe qui attaqua la révolution française ou bien la révolution qui attaqua l’Europe. Lorsqu’on place la guerre étrangère au nombre des périls invoqués pour légitimer d’effroyables extrémités, il faut donc reconnaître que ce danger avait été cherché tout aussi gratuitement que celui de la lutte religieuse, et qu’il n’aurait pas été plus impossible de conserver la paix au dehors que d’éviter la guerre civile au dedans. Des faits avérés tiennent donc encore en échec, sur ce point, la doctrine de la fatalité historique : il reste démontré que si les crimes de la révolution sont sortis de terribles nécessités, ce sont les fautes et

  1. Séance du 20 avril 1792.