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Force et les cabanons de Bicêtre est un des plus insignes mensonges qui aient jamais eu cours parmi les hommes, et pourtant cette impur dente assertion a passé des feuilles de Marat, où elle était à sa place, dans des livres d’histoire qui prétendent n’être pas des pamphlets !

Qui donc était appelé à recueillir le bénéfice de cette infernale combinaison, et quel en fut le véritable mobile ?

L’intérêt de la commune de Paris, au point de vue de sa dictature révolutionnaire, n’expliquerait aucunement la systématique organisation des massacres. Concevoir un tel projet, c’eût été mettre contre la révolution, et par conséquent contre elle, des chances trop redoutables, et compliquer sa situation par un crime tout gratuit. Les faits constatent d’ailleurs que, si les membres du conseil général de la commune purent soupçonner, comme la ville entière, l’existence d’une trame ténébreuse, ils n’en eurent ni l’initiative ni la direction, et que leur part dans le crime se réduit à l’avoir laissé commettre sans mourir pour l’empêcher.

Mais on sait qu’en dehors du conseil général s’était élevé ce terrible comité de surveillance, composé de douze membres, dont les noms sont demeurés dans l’histoire avec une flétrissure plus indélébile encore que celle du sang, avec la tache de l’improbité et de l’infamie personnelles. Ce comité, tous les documens le constatent, conçut seul la pensée du massacre et en fut l’organisateur exclusif. Pendant trois semaines, il avait dominé la capitale et tout ce qui restait des pouvoirs publics ; il avait emprisonné, au nombre de plusieurs mille, les plus riches citoyens, enlevé sans contrôle et sans témoins des richesses de toute nature, dont il était fort résolu à ne jamais rendre aucun compte. Cependant la réunion de la convention nationale était proche, et un tribunal spécial, connu sous le nom de tribunal du 17 août, avait été institué pour rechercher et pour punir les personnes coupables d’avoir secondé le pouvoir exécutif dans sa défense, transformée en une parricide agression. De quelque passion politique que pût être animé un pareil tribunal, son intervention n’était pas moins redoutée de misérables gorgés de dépouilles, par cela seulement qu’il opérerait en plein jour et sous la garantie de quelques formes tutélaires. Comment justifier d’ailleurs devant la convention ces arrestations sans nombre et pour la plupart sans motif ? Comment éviter surtout des restitutions qui seraient la conséquence de mises en liberté inévitables et prochaines ? Faire disparaître les victimes dans une tempête et sous l’appareil d’une vengeance populaire, c’était là le moyen le plus sûr pour éviter de périlleuses investigations et détourner des soupçons qui commençaient à se produire jusqu’au sein du conseil général de la commune. Chaque jour, en effet, le comité de surveillance y était sommé de rendre des comptes, et la probité de ses membres était publiquement contestée. Profiter du plus haut paroxysme de terreur et