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de sa prison une bataille qui allait décider de leur propre sort. Si la révolution se possédait assez pour ne faire à son prisonnier que la simple application des lois de la guerre et qu’elle respectât sa vie en ne disposant que de sa liberté, la république inaugurait son avènement dans le monde par un acte de modération et de force qui la classait du moins au nombre des gouvernemens réguliers ; si ses fondateurs accordaient, au contraire, aux sans-culottes et aux tricoteuses la tête d’une victime protégée dans sa chute par tous les principes du droit constitutionnel et du droit des gens, ils se plaçaient à toujours en dehors de toutes les lois de la morale et de la justice. La morale interdisait, en effet, d’accuser Louis XVI pour des actes manifestement provoqués par les violences exercées contre lui, et la justice de tous les siècles lui assurait le bénéfice des stipulations politiques sous l’empire desquelles il avait agi. Une révolution peut bien prétendre à régler l’avenir ; mais elle ne saurait, sans soulever la conscience humaine jusque dans ses dernières profondeurs, pénétrer dans le passé pour y créer, par une rétroactivité monstrueuse, des délits et des châtimens. Accuser Louis XVI d’avoir violé la constitution, en la violant soi-même dans sa disposition fondamentale, était un acte dont l’effet instantané était de faire triompher la souveraineté de la rue de celle de la convention, et qu’un gouvernement ne pouvait consommer sans être bientôt conduit à organiser un régime de terreur et de tyrannie par l’effet même des résistances qu’il allait susciter contre lui. Le procès fait à Louis XVI, au mépris de la loi qui le déclarait irresponsable, tranchait donc irrévocablement la question entre la république bourgeoise des légistes et la république démocratique des sans-culottes.

Le brillant historien de la gironde s’est efforcé d’établir, pour relever sans doute les prosaïques défaillances de la faiblesse par le stimulant de l’ambition, que ce parti avait été conduit à déserter la défense de Louis XVI par le désir de garder le gouvernement et par le besoin d’assurer son avenir. Il a été jusqu’à écrire que le roi devait monter à l’échafaud pour que les amis de Brissot ne descendissent pas du pouvoir, et qu’il fallait que l’un mourût parce que les autres voulaient vivre. Or, c’est bien là la plus éclatante contre-vérité qui ait jamais trouvé place dans un récit politique. Les girondins ont succombé par la mort même de Louis XVI, et son salut n’importait à personne autant qu’à eux. S’il ne suffisait, pour en demeurer pleinement convaincu, d’étudier la situation des partis au moment du procès, on ne saurait au moins le contester en se reportant aux conséquences diplomatiques et militaires de l’immolation royale. La portée de ce meurtre juridique fut, en effet, immense en Europe, et suspendit le cours de toutes les secrètes transactions entamées depuis nos victoires. Après avoir vu changer en une déroute l’expédition qu’elle avait d’abord