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d’être patient, d’être aimable, et de se réconcilier à tout prix avec la France. À quoi tient cette soudaine humilité de lord Palmerston ? Lord Palmerston est impertinent, mais aux impertinens il faut le succès, sinon les impertinens sont

Honteux comme un renard qu’une poule aurait pris.


C’est ce qui est arrivé cette fois-ci à lord Palmerston. Son impertinence n’a pas réussi, et cela grace au bon sens et à la bonne foi de la nation anglaise. Elle a abandonné son ministre, ou du moins elle lui a fait sentir qu’elle ne le soutiendrait pas dans la querelle qu’il s’était faite encore une fois avec la France. Juste expiation de l’amour de la querelle ! Les premières fois, l’Angleterre a pu croire que son ministre ne se querellait qu’à bonnes enseignes ; mais quand elle a vu qu’il se querellait toujours pet avec tout le monde, elle a compris que lord Palmerston ne pouvait pas toujours avoir raison contre tout le monde. Une fois qu’il s’est senti abandonné par l’opinion de l’Angleterre, lord Palmerston a compris qu’il fallait qu’à tout prix il se réconciliât avec la France. De là ses empressemens et ses câlineries. Il nous cède aujourd’hui tout ce que nous lui demandions au commencement du débat ; il cède tout ce que nous voudrons. Quant à nous, nous gardons une attitude froide et réservée, et nous avons raison. À Dieu ne plaise que nous conseillions au gouvernement français d’être impertinent à son tour avec lord Palmerston, quoiqu’il y eût plaisir et justice ! nous devons, derrière lord Palmerston, considérer toujours l’Angleterre et lui savoir gré de l’esprit de justice qu’elle a montré dans cette affaire ; nous devons même, nous le pensons, attendre la discussion qui doit avoir lieu dans le parlement, afin de mieux voir éclater cet esprit d’équité ; et de modération. C’est là la satisfaction que nous devons obtenir et que nous préférons aux satisfactions empressées que nous offre lord Palmerston. Le jugement du parlement anglais sur la conduite de lord Palmerston, dût ce jugement être accompagné de toutes les réserves qu’impose au parlement britannique le soin de la dignité et même du point d’honneur national, ce jugement est pour nous une réparation honorable et suffisante. Sachons donc l’attendre, puisque lord Palmerston le craint.

Nous ne voulons pas finir nos réflexions sans exprimer les regrets que nous avons sentis en apprenant la mort du général de Barral, mort en Afrique dans une expédition contre les Arabes. Le général de Barral était un de ces hommes formés à cette grande école de guerre et de gouvernement que le destin nous a ouverte en Afrique, et d’où sont sortis les généraux et les soldats qui ont sauvé la société depuis deux ans. Nous suivons avec un vif intérêt l’histoire de l’Algérie, et nous aimons à voir s’y former une seconde génération d’officiers hardis et éclairés qui viendraient à leur tour au secours de la patrie, s’il en était encore besoin. C’est une arrière-garde qui se prépare pour la défense de la société, et qui s’instruit, par ses luttes contre la barbarie d’avant la civilisation, aux luttes qu’elle aurait à soutenir contre la barbarie d’après la civilisation, c’est-à-dire contre la pire de toutes les barbaries.

On ne s’attendait guère à voir revivre en plein XIXe siècle, et au milieu de cette civilisation dont nous sommes si fers, les mœurs et les entreprises des boucaniers. L’Amérique mous ménageait cette surprise. Le 10 ma dernier, les