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de leurs magasins et les récoltes de leurs champs, elle ne respectait pas même les lits des malades et des infirmes.

Je n’ai rien dit encore des mauvais traitemens que tout venant était libre de faire subir à ces nouveaux juifs. Quand leurs lieux de réunion n’étaient point démolis par ordre de l’autorité, c’était la populace qui se chargeait d’en briser les fenêtres à coups de pierres, et de les couvrir eux-mêmes d’ordures ou de les traîner dans les ruisseaux. À l’accession de Jacques II, treize cent quatre-vingt-trois quakers étaient encore détenus dans les prisons, et, depuis l’année 1660, trois cent cinquante de leurs coreligionnaires étaient morts au fond des cachots.

Ce n’étaient pas les quakers pourtant qui devaient se lasser les premiers. Les lois pénales, qui étaient à peu près parvenues à étouffer les autres sectes, n’avaient pu empêcher leur société de prendre un rapide développement. Barclay avait lieu de le dire avec orgueil dans sa dédicace à Charles II : « Jamais on ne les a vus se cacher dans des coins obscurs, ni tenir leurs assemblées en secret comme l’ont fait tous les autres dissidens… Pour les découvrir, on n’a pas eu besoin d’espions ni de délateurs, car chaque jour, à l’heure fixée et au lieu convenu, on était assuré de les trouver publiquement réunis pour rendre leur témoignage à Dieu. » Un hiver où le froid fut assez vif pour faire geler la Tamise, ils s’assemblèrent trois mois en plein air sur les ruines de leur salle de réunion. Quand les hommes étaient emprisonnés, les femmes venaient seules prier ; quand elles étaient arrêtées, les enfans prenaient leur place. Assurément, il y a quelque chose de grandiose et d’héroïque dans la ténacité surhumaine avec laquelle les convictions de ces hommes réussirent à conquérir droit de cité, et cela sans menaces, sans émeutes, sans même user du droit de légitime défense. C’est là ce qui établit une profonde différence entre les quakers et tous les autres exaltés du passé. Tous leurs principaux ministres, Fox, Whitehead, Burrough, Hubberton, Penn, se sont invariablement prononcés contre tout recours à la violence. La non-résistance absolue n’a pas eu d’avocats plus infatigables. L’histoire ne mentionne pas un seul quaker qui se soit cru autorisé à employer la force, même pour résister à l’illégalité et à l’injustice. Je ne sache pas qu’elle en cite plus d’un qui ait rendu coup pour coup. À Colchester, la lame du sabre d’un soldat s’étant détachée de sa garde tandis qu’il frappait un quaker, le quaker la ramassa et la lui rendit en disant : « Je désire que le Seigneur ne mette pas à ta charge l’œuvre de cette journée. » Toute la société était prête à agir de même.

La déclaration d’indulgence, qui fut cause de la chute, de Jacques, vint enfin arrêter ces rigueurs. À la suite de la révolution de 1688, le parlement ne tarda pas à abroger, à l’égard des Amis ; les lois pénales qui n’avaient été suspendues qu’arbitrairement par le roi déchu, et, à