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fait que se convertir avec le siècle, dans le vrai sens du mot. En tout cas, le quakérisme sortait comme elle d’une grande crise. Après les interminables attaques du XVIIIe siècle contre la Bible, il avait été en quelque sorte sommé de prendre un parti. Il s’agissait de savoir si, faute d’un signe de reconnaissance commun à tous ses membres, il se dissoudrait dans le rationalisme déiste, ou s’il continuerait à être une communion, une religion. Il n’a pas hésité, et, pour rester une religion, il s’est raffermi sur la base du christianisme. À partir de ce moment, on peut dire qu’il a cessé d’être une secte mystique, et que chaque jour l’a de plus en plus rapproché des autres communions protestantes. Les meetings annuels recommandent la lecture journalière de la Bible. Les sociétés bibliques n’ont pas de patrons plus zélés que les Amis. J.-J. Gurney enfin, le plus célèbre docteur du quakérisme contemporain, est un savant commentateur de la Bible qui, au lieu d’en appeler à la lumière intérieure, analyse et cite des textes pour défendre les dogmes et les usages de ses coreligionnaires.

Telles sont du moins les tendances générales, surtout en Angleterre. Entre les deux autorités qui ne pouvaient se contredire et qui se sont pourtant contredites, c’est le système qui a prévalu. Je me trompe : la révélation écrite et la révélation immédiate se sont simplement séparées, et chacune, en tirant de son côté, a entraîné avec elle une partie de la société ; en se rejetant vers le protestantisme, la majorité a fait éclater le lien qui unissait à elle le parti de l’indépendance absolue. À peine condamnée, Hannah Barnard a trouvé des successeurs : Hicks (1822), Comby, Wetherald et Bates ont relevé son drapeau en exagérant encore son scepticisme à l’égard des faits bibliques et de la divinité du Christ. Ce dernier schisme, ai-je besoin de l’ajouter ? ne s’est point éteint comme ceux qui l’avaient précédé, et les disciples de Hicks ont constitué en Amérique une communion distincte qui vogue à pleines voiles vers le supernaturalisme naturel. À cette heure, le quakérisme est ainsi divisé en deux rameaux : il a ses puséyistes et sa basse église, là les défenseurs de l’autorité, de l’unité et de la tradition chrétienne, ici les descendans plus ou moins philosophes des anciens frères du libre esprit. Les premiers, à vrai dire, sont les seuls qui puissent être considérés comme une secte religieuse.


IV. – PENN ET LES QUAKERS DE NOS JOURS.

Le Nouveau-Monde, dans le principe, n’avait pas été beaucoup plus propice que l’ancien à la Société des Amis. Qu’ils eussent oui ou non provoqué leur sort par un zèle intempéré, les premiers émigrans quakers, au lieu d’y trouver un asile paisible, y avaient rencontré des cachots et des persécutions ; plusieurs même avaient été mis à mort par les calvinistes de Boston. Repoussés de tous côtés, les disciples de