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la rêverie ; les habitudes de son génie l’y portent, et son expérience de la vie politique est trop récente encore pour que le sentiment de la réalité ne soit pas souvent offusqué chez les meilleurs esprits par le retour des anciennes chimères. C’est cette vie politique, c’est l’exercice des droits constitutionnels qui lui apprendront à voir les choses dans leur vérité nue, à mesurer les difficultés qu’elle veut vaincre, à se résigner aux conditions du progrès, à conjurer les périls de la situation présente, à affermir enfin ses libertés contre les entreprises de l’absolutisme ou les violences de la démagogie. Sur ces deux périodes que je signale, sur les folies et les regrets, je veux interroger les publicistes, les philosophes, les poètes même, heureux lorsqu’à travers la confusion d’une époque bouleversée je découvrirai çà et là et pourrai mettre en lumière les symptômes d’un meilleur avenir


I

Le plus grand événement de l’Allemagne après la révolution de février a été, sans nul doute, la convocation du parlement de Francfort. Pendant plus d’une année, toute l’attention, toutes les espérances de ce pays se sont tournées vers cette assemblée nationale, qui promettait des miracles et qui a fini comme un club. La convocation révolutionnaire de ce parlement devait satisfaire les deux plus vives passions de l’Allemagne moderne : l’orgueil patriotique et le besoin d’agir. On ne s’étonnera donc pas qu’un fait si nouveau et si considérable tienne une large place dans le mouvement littéraire de 1848. Le parlement de Francfort, au dire de beaucoup d’esprits candides, était destiné à introduire l’Allemagne dans les glorieuses routes de la vie militante, et désormais au prodigieux développement de la librairie allemande on allait voir succéder les poèmes et les drames de l’action ; le parlement porterait sur le théâtre de la vie toute cette activité fébrile qui se dépense inutilement dans le monde des livres ; les érudits n’écriraient plus l’histoire, ils la feraient eux-mêmes à la face de l’Europe. Beaux projets, naïves espérances bien vite évanouies comme tant d’autres ! Il est arrivé là ce qui arrive si souvent en temps de révolution, le contraire de ce qu’on se proposait. L’Allemagne, grace aux démagogues, a été bientôt lasse de ses épreuves, et le parlement de Francfort n’a guère produit qu’une bibliothèque.

D’abord, ce sont de vifs tableaux, des esquisses rapides et parfois brillantes, tracées à la hâte pour satisfaire la curiosité publique. Un des coryphées de la jeune Allemagne dont le talent facile s’est affermi et rectifié depuis quinze ans, M. Henri Laube, a réuni en deux volumes de spirituels articles publiés dans la Gazette d’Augsbourg. Son livre est intitulé le Premier Parlement allemand. Ce qui intéresse M. Laube avant