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ridicule lorsqu’il se mêle de comparer ce qui existe en vertu des lois de l’administration générale actuelle avec ce qui existait dans un autre temps, et qu’à la faveur de quelques observations utiles sur l’administration particulière de son département, il se permet des observations critiques et incohérentes. Lorsqu’ils s’érigent ainsi en petits législateurs ; qu’ils s’immiscent dans les choses dont ils ne sont pas chargés et dont l’administration générale ne les a pas appelés à s’occuper, les conseils-généraux ôtent tout crédit à leurs procès-verbaux.

« Les conseils-généraux doivent, comme tous les citoyens, obéir à la loi sans discussion.

« Un conseil-général de département qui discute les inconvéniens ou les avantages de ce qui existe fait une chose aussi déplacée qu’une cour d’appel qui, au lieu de rendre la justice et d’appliquer la loi, perdrait son temps à la discuter et à en proposer une autre. Cette irrévérence qui égarerait le tribunal le rendrait d’abord ridicule, et serait bien près de le rendre criminel.

« Sans doute, il a été des temps où la confusion de toutes les idées, la faiblesse extraordinaire de l’administration générale, les intrigues qui l’agitaient, firent penser à beaucoup de citoyens isolés qu’ils étaient plus sages que ceux qui les gouvernaient et qu’ils avaient plus de capacité pour les affaires. Ce temps n’est plus. L’empereur n’écoute personne que dans la sphère des attributions respectives ; il entend que les tribunaux rendent la justice sans discuter la loi et que les conseils-généraux ne s’occupent pas d’autre chose que de ce qui est relatif à la manière dont les lois et les décrets sont exécutés dans les départemens. »


Tels étaient les rôles qu’il assignait aux assemblées des divers degrés, et son langage dans la vie privée fut toujours à cet égard conforme à son langage officiel. J’ai sous les yeux, écrit de la main d’un de ses ministres, sous l’impression immédiate de sa parole, le résumé d’une conversation où il exprimait lui-même ses sentimens aux divers degrés de son existence. Quoique la politique y tienne une grande place, le régime parlementaire n’y est ni admis, ni repoussé ; il ne fait entrer nulle part en ligne de compte ni les forces que peuvent prêter les assemblées, ni les obstacles qu’elles peuvent susciter ; il ne pense à elles en aucune circonstance, ou plutôt il semble les ignorer. Voici ce document curieux à plus d’un titre.


« Soirée du 24 avril 1812 à Saint-Cloud.

« L’empereur a causé environ trois quarts d’heure avec le duc de Cadore, le comte de Ségur et moi. La conversation avait pour objet la marche providentielle de sa haute fortune.

« Il a eu la passion de s’instruire dès l’âge le plus tendre.

« A treize ans, il a cessé de prendre part aux récréations : il en consacrait tout le temps à des études particulières.

« Il avait peu le goût des langues. Le latin, l’allemand, qu’on voulait lui apprendre, n’allaient point à son appétit dévorant ; il les négligeait. Il préférait les mathématiques, et, dans les distributions de prix, il a toujours eu les premières