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quand elles en trouvent dans un pouvoir exécutif qui procède non moins immédiatement d’elles que les assemblées, elles savent le mettre à l’abri des caprices du parlement. Il reste d’ailleurs au pouvoir exécutif, dans les attributions qu’il exerce sans le concours de la législature, un champ assez vaste à féconder pour acquérir séparément des titres puissans à la reconnaissance de la nation, et la faire, au besoin, juge entre les assemblées et lui. Les ministres n’ont qu’à regarder autour d’eux pour trouver des alimens à leur activité, et l’embarras du choix peut seul arrêter leur essor. Il dépend d’eux de rétablir l’équilibre dans les finances, en substituant, dans beaucoup de services, la puissance de l’intelligence à la stérilité de la profusion, et cet équilibre serait le gage de l’affermissement de l’ordre, du retour du travail et de la sécurité de l’avenir.

Nos deux principales plaies financières sont l’Algérie et les colonies. Les ministères dont elles dépendent n’ont su faire de ces possessions que des espèces de maisons de campagne pour l’armée de terre, l’amirauté et le commissariat de la marine ; ils n’ont ni résolu ni même étudié aucune des grandes questions qui s’y agitent ; la preuve en est dans la série des commissions qu’ils ont créées pour cela, et au bout de laquelle ils ne sont pas encore parvenus ; il semble qu’ils se soient partout donné la tâche de réaliser par de très grands moyens les moindres résultats possibles. Du règne de François Ier à celui de Louis XIII, nous avons fait en petit dans nos concessions d’Afrique ce que nous faisons en grand depuis vingt ans en Algérie ; le contraste était le même entre l’exagération des charges et la mesquinerie des effets. Vint le cardinal de Richelieu, et tout changea de face : ce fut le tour des dépenses de se réduire, des avantages de grandir. Qu’on étende progressivement dans les mêmes lieux le système d’administration de ce grand homme, et l’Algérie deviendra pour la France un point d’appui, au lieu d’être un fardeau. Il en est à peu près de même à l’égard des colonies transatlantiques ; la suppression des dépenses que nous employons à les gâter serait à elle seule un bienfait. Si l’on objectait que ces réformes seront impossibles tant que les colonies dépendront des départemens de la guerre et de la marine, que des ministres enfermés dans une spécialité et détournés par tant d’autres soins ne sauraient atteindre un but aussi multiple que l’administration de tous les élémens sociaux réunis dans chaque établissement, la nécessité de la création d’un ministère des colonies pourrait ressortir du débat. On ne saurait nier que si l’on faisait administrer notre industrie par le département de la guerre, et la Bretagne par celui de la marine, la chute des fabriques et l’extension des landes ne marchassent bientôt du même pas, et l’on aurait alors, pour nous déclarer impropres à l’industrie agricole et manufacturière, autant de motifs qu’on en a d’alléguer aujourd’hui notre inaptitude aux