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feuillets d’un livre où elles devaient se sécher et se conserver ; mais le jour était bien long, et l’enfant, désolée, s’agitait dans sa prison avec une angoisse qui allait croissant à chaque instant. Sa tête était en feu, l’air manquait à sa poitrine. Le soir vint enfin. Assise près de la fenêtre ouverte, le froid la calma un peu ; mais on ne lui donnait pas de lumière, les heures lui parurent s’écoule plus lentement encore.

Pendant que Christine se lamentait, Wilhelmine vint par hasard s’asseoir sur le seuil de la porte, et se mit à chanter à demi-voix, tout en filant. Christine, ravie d’entendre parler près d’elle, se pencha en dehors de la fenêtre.

— Ma sœur, dit-elle, chantez plus haut, que j’aie la consolation de vous entendre ! Je suis enfermée, je suis seule depuis bien longtemps ; je n’ai pas de lumière pour travailler ; chantez, ma bonne sœur, que je vous entende !

— Je vous plains, Christine, répondit Wilhelmine, je ne pense pas que mon père trouve mauvais que je chante dans le jardin ; je serai heureuse de pouvoir vous distraire quelques instans.

Wilhelmine chanta un des plus vieux lais de la poésie hollandaise, récit insignifiant et sans couleur, mille fois répété dans toutes les langues du monde ; mais la voix de la jeune fille était fraîche et pure ; les mots étaient naïfs, la soirée était belle, et Christine écouta.

Voici la vieille chanson :

Dès l’aurore,
Une jeune fille, en chantant,
Sous l’arbre que l’aube colore
Venait attendre son amant,
Dès l’aurore.

Bien en vain,
Pieds nus dans la verte bruyère,
Elle espérait chaque matin…
Larmes tombant de sa paupière
Bien en vain !

« Jeune fille,
Dit un chevalier en passant.
Viens-tu briser sous ta faucille
L’herbe et le bourgeon naissant,
Jeune fille ?

Sous ces fleurs,
Mises sur ton front en couronne,
Rêves-tu sceptres et grandeurs ?
Te crois-tu reine, douce et bonne
Sous ces fleurs ?