Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

murmurant : Dieu soit avec vous, ma soeur ! Quand elle mangeait, une voix douce lui disait de remercier le Seigneur

En d’autres momens, si la cloche sonnait l’heure de l’obéissance, toutes les religieuses quittaient ce qu’elles étaient occupées à faire, et, rangées autour de la supérieure, attendaient les ordres qu’elle allait donner. La supérieure envoyait les sœurs à divers travaux ainsi quelle le jugeait bon : chacune avait sa tâche marquée ; nulle ne la choisissait, toutes obéissaient. Les religieuses se répandaient dans les différentes parties du couvent pour vaquer à la besogne qui leur était confiée, et cette heure avait pris le saint nom de l’heure de l’obéissance.

Christine vit tout cela, mais personne ne la questionna. Ce qui se passa dans son cœur, nul ne le sut sur la terre.

Les cloches, les chants, les prières, le silence, les saints exemples, les douces paroles, les murs aux pieuses maximes, les tombes qui donnent de graves pensées, toutes ces choses, comme des anges invisibles, entouraient Christine ; mais personne ne la questionna. Et ce qui se passa dans son cœur, nul ne le sut sur la terre.

La supérieure ne reçut pas de réponse à la lettre qu’elle avait envoyée à Karl Van Amberg. Elle écrivit une seconde fois, elle parla au père de Christine d’une manière plus ferme encore ; elle ordonna presque qu’on vînt chercher la jeune fille : une seconde fois sa lettre resta sans réponse.


Cinq ans s’étaient écoulés.

Un jour, les portes du couvent s’ouvrirent pour laisser passer un étranger qui demandait à parler à la supérieure. C’était un vieillard ; une canne soutenait ses pas chancelans ; il regardait autour de lui avec surprise et émotion, tandis qu’il attendait dans le petit parloir ; plusieurs fois. il passa la main sur ses yeux comme pour en essuyer les larmes.

— Pauvre, pauvre enfant ! Murmura-t-il.

Quand la supérieure vint derrière la grille du parloir, le vieillard s’avança vivement vers elle.

— Je suis Guillaume Van Amberg, lui dit il, le frère de Karl Van Ambert ; je viens, madame, chercher Christine Van Amberg, sa fille et ma nièce.

— Vous venez bien tard ! répondit la supérieure ; la sœur Marthe-Marie est au moment de prononcer ses vœux ;

— Marthe-Marie !… je ne connais pas ce nom ! reprit Guillaume Van Amberg ; c’est Christine que j’appelle, c’est Christine que je demande.

— Christine Van Amberg, maintenant sœur Marthe-Marie, va prononcer ses vœux.

— Christine religieuse !… O mon Dieu, c’est impossible…. Madame,