Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

victorieusement les troupes qui avaient été envoyées pour la soumettre, quand le général Castilla, que Vivanco venait d’exiler au Chili, parvint à s’échapper du navire qui l’y portait, se rendit à Moquégua, prit le commandement des gardes nationales qui s’y battaient, et y installa avec les généraux Nieto et San-Roman, sous le nom de junte constitutionnelle, un gouvernement en opposition avec celui de Lima. Ce mouvement, d’abord considéré comme insignifiant, prit bientôt assez d’importance pour que Vivanco envoyât sur les lieux le ministre de la guerre lui-même, le général Guarda, à la tête de trois mille hommes, c’est-à-dire d’une armée très forte pour le Pérou. Une rencontre eut lieu près de la petite ville de San-Antonio, et, soit qu’il y eût trahison dans les troupes de Vivanco, soit qu’il n’y eût qu’ineptie et incapacité chez le général Guarda, celui-ci ne fut pas seulement défait, mais obligé de mettre honteusement bas les armes et de livrer son armée tout entière à un ennemi inférieur en nombre et à peine armé. La question alors changea de face. Ainsi qu’il arrive le plus souvent au Pérou en pareille circonstance, presque tous les prisonniers, c’est-à-dire presque toute l’armée de Guarda, vinrent grossir les rangs de l’armée de Castilla, et ce général se trouva à la tête de forces considérables, possesseur en outre d’armes et de munitions de guerre de toute espèce, qui lui avaient surtout manqué jusqu’à ce jour.

Tel était l’état des choses dans le midi du Pérou, quand un nouvel incident vint fortifier encore l’autorité du général Castilla. On apprit tout à coup que le général Santa-Cruz venait de débarquer dans la petite baie de Mejillones, et qu’il avait été fait prisonnier. Santa-Cruz n’avait jamais perdu l’espérance de revenir au pouvoir. Pendant que son parti faisait proclamer le général Vivanco à Lima, il travaillait non moins activement en Bolivie, ou une immense conspiration en faveur de l’ex-protecteur n’attendait plus que sa présence pour éclater ; mais cette fois encore, Santa-Cruz manqua d’énergie ou de résolution : la conspiration fut découverte, et deux de ses neveux, entre autres, payèrent de leur vie leur attachement à sa cause. Cependant le parti santa-cruciste était si fort, que la conspiration, un instant déconcertée, se renoua de nouveau. Honteux d’avoir deux fois manqué par son absence des occasions en apparence infaillibles de ressaisir le pouvoir, Santa-Cruz, qui comptait d’ailleurs sur le gouverneur de Lima, sortit enfin de Guayaquil, et alla débarquer dans le sud du Pérou. Malheureusement les vents contraires avaient retardé son arrivée, et, quand il débarqua, Castilla était déjà presque maître de la situation. Là où Santa-Cruz croyait trouver des amis, il ne rencontra que des adversaires. Tombé entre leurs mains presque immédiatement après avoir débarqué, il fut remis par Castilla au gouvernement chilien, à la suite