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circonstance ; l’impôt, au contraire, est une ressource permanente et un moyen définitif.

Si l’on a recours au crédit, il faudra nécessairement emprunter 200 millions, car l’emprunt, tant qu’il sera en cours d’émission et que les rentes émises ne seront pas classées, exclut la concession du chemin de Lyon à une compagnie. Et comment, avec moins de 200 millions, pourvoir tout ensemble aux travaux de cette ligne en 1851 et rembourser la Banque de France ? Dans les circonstances actuelles, on ne contracterait que bien difficilement à un taux supérieur à 80 francs. Or, un emprunt de 200 millions, adjugé à 80 francs, grèverait le trésor, pour l’intérêt et pour l’amortissement de cette dette, d’une charge annuelle de 15 millions. Devons-nous cependant, sans une nécessité bien démontrée, allonger encore la liste déjà si longue des créanciers de l’état et augmenter de 15 millions nos dépenses ? On remarquera qu’il devient fort difficile d’emprunter avant d’avoir rendu à sa destination l’amortissement de la dette déjà inscrite. L’état n’aura pas de crédit tant qu’il n’aura pas prouvé qu’il se trouve en mesure, tout au moins pour l’avenir, de faire face à ses dépenses au moyen de ses recettes.

Revenons donc à l’impôt, et voyons de quelles quantités peut s’accroître, sans trop charger les imposés, notre budget des recettes. Il faut renoncer désormais aux illusions qui avaient déterminé la réduction de la taxe du sel à 1 décime. La consommation s’est à peine accrue de 90 millions de kilogrammes, et le produit de l’impôt n’est évalué pour 1851 qu’à 29 millions de francs : ce serait une perte sèche de 41 millions. Les populations de nos campagnes n’ont pas obtenu, par ce dégrèvement imprudent, un soulagement proportionné aux sacrifices du trésor. Elles comprendront que l’on rehausse l’impôt d’un décime ; j’évalue cette recette supplémentaire 21 millions.

J’ai parlé ailleurs[1] de la nécessité d’établir diverses taxes qui me paraissent plus que jamais opportunes. De la taxe sur les domestiques et sur les voitures, d’une taxe additionnelle à la contribution mobilière qui ne frapperait que les loyers élevés, et d’une taxe sur les offices, plus sérieuse que les patentes insignifiantes proposées dans le budget de 1850, le trésor retirerait au moins 20 millions. Cette combinaison, outre l’accroissement qu’elle apporterait au revenu public, aurait le mérite inappréciable à mes yeux de faire cesser l’exemption relative d’impôt dont jouit la richesse mobilière.

Le gouvernement et la commission du budget, reculant devant les remèdes héroïques, ont refusé d’aggraver d’un décime additionnel, en 1850, les quatre contributions directes et des droits d’enregistrement. Es n’acceptent pas même la retenue à faire d’un dixième sur les traitemens

  1. Voir le n° de la Revue du 1er novembre 1849.