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d’actes désastreux entrepris non pour servir la révolution française dans ses intérêts permanens, mais pour servir ses propres passions, ses propres intérêts et ses propres antipathies.

Si les sentimens de Louis XVI étaient devenus incompatibles avec la constitution de 91 et si l’on avait constitué l’antagonisme des pouvoirs au lieu de fonder leur harmonie, comment ne pas l’imputer aux législateurs imprévoyans qui, lorsqu’ils voulaient organiser la limitation de l’autorité royale, ne surent qu’en décréter l’humiliation, et qui prirent plaisir à ajouter aux répugnances politiques du prince toutes les tortures du chrétien ? Si l’hécatombe de septembre et l’immolation du 21 janvier ont été déterminées par les extrémités où se trouvait acculé le pays, ce que d’ailleurs nous nions absolument, qui les avait provoquées, ces extrémités terribles ? qui a imposé la guerre aux répugnances et aux longues hésitations de l’Europe ? qui a transformé des cabinets d’abord favorables à la révolution en adversaires irréconciliables ? qui a provoqué la guerre civile, donné à l’émigration son extension et son importance, soulevé les populations rurales contre une régénération politique à laquelle elles avaient applaudi d’abord ? Après la chute du pouvoir absolu, la proclamation de la souveraineté nationale et parlementaire, et la fondation d’institutions plus libérales que la France ne pouvait assurément les supporter, quels hommes ont tout à coup compliqué la question politique d’une question religieuse, traqué le roi dans sa vie privée, insulté sa famille, désespéré sa conscience et paralysé dans ses mains l’usage même des attributions qu’ils venaient de lui conférer ? Quelles mesures et quelles menaces ont armé la coalition, soulevé la Vendée, poussé Louis XVI à Varennes, et par suite la noblesse à Coblentz ? Si le 10 août a rendu nécessaires le 2 septembre et le 21 janvier, si une situation sans exemple et sans issue a rendu le 31 mai nécessaire à son tour, qui donc est coupable du 10 août ? qui donc a provoqué entre la monarchie et la France ce divorce qui contenait en germe de tels périls et de telles extrémités ?

En se ruant sur les Tuileries, chaque jour dénoncées comme le centre d’une vaste conspiration autrichienne, les Marseillais et les faubouriens ne firent qu’achever l’œuvre entamée depuis trois ans par des aveugles aussi incapables de refréner la violence de leurs passions que de mesurer la portée de leurs attaques. Ce sont les mauvais instincts de la constituante et le lâche abandon de tous les principes et de tous les droits qui ont changé une réforme en révolution, abîmé dans le désespoir l’ame débonnaire de Louis XVI et conduit ce prince à diriger vers l’étranger des regards que l’injustice et l’outrage lui interdisaient de reporter sur la France. Qui donc porte la responsabilité de tout cela et sur qui retombe le poids de ces fatalités inexorables ? Lorsque, par l’effet de ses propres entraînemens, on suscite à sa cause des