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rappelé le ministre du commerce dans son rapport au président de la république, le dernier gouvernement était déjà dans l’usage de réunir à des époques déterminées les représentans des grandes industries du pays pour prendre leur avis sur les questions suscitées par l’état de la législation agricole, industrielle et commerciale, et par les changemens inévitables que le temps amène dans la situation des forces productives. Certes, le moment était venu aujourd’hui ou jamais de prendre de nouveau l’avis des intéressés. À la suite des événemens dont la France et l’Europe ont été le théâtre depuis deux années, tout a été changé dans les conditions générales de l’agriculture, des manufactures et du commerce, et ces bouleversemens dans l’assiette de la production nationale comme dans le reste de la constitution du pays appelaient un examen spécial. La dernière session de cette assemblée avait été fermée le 15 janvier 1846 ; la précédente avait en lieu en 1841 : c’était purement et simplement renouer la tradition que d’en convoquer une nouvelle pour 1850.

Une seule modification a été introduite cette année dans l’institution, mais elle est fondamentale. Il n’y avait pas eu jusqu’ici d’assemblée unique portant le titre de conseil général ; l’agriculture, les manufactures et le commerce étaient représentés par trois conseils spéciaux délibérant à part, et exprimant les vœux et les besoins d’une branche particulière du travail national, sans les coordonner avec ceux des deux autres grandes industries. Le gouvernement actuel a pensé, et selon nous avec raison, que ce mode de délibération distinct et séparé avait de graves inconvéniens, qu’il semblait admettre une sorte d’antagonisme ou du moins de séparation entre des intérêts qui sont en réalité solidaires ; que, comme il n’y avait qu’une France travaillant et produisant sous toutes les formes, il ne devait y avoir qu’une seule représentation de la nation laborieuse. Telle est en effet la vérité des faits ; l’agriculture ne peut pas avoir de véritables besoins contraires à ceux des manufactures et du commerce ; ceux-ci, à leur tour, ne peuvent pas avoir d’intérêts réels opposés à ceux de l’agriculture ; au premier abord, ces trois tendances paraissent différentes, mais, au fond, elles convergent toutes vers le même but, le développement en commun de la richesse matérielle du pays, et telle est la perpétuelle union, la fusion intime et nécessaire de ces trois grandes fractions d’un même tout, que, l’une d’elles ne peut prospérer ou décliner sans que les deux autres ne la suivent.

Il était d’autant plus à propos d’insister aujourd’hui sur cette idée si simple de la solidarité de toutes les industries nationales, que des idées contraires s’étaient fait jour depuis quelque temps, notamment parmi les agriculteurs. Comme il faut avoir quelque chose à reprocher au dernier gouvernement pour expliquer et justifier sa chute,