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avait mission d’examiner. Une commission de quinze membres a été nommée à cet effet par les comités, et le rapport de cette commission a été présenté par M. Benoist d’Azy, qui est en même temps rapporteur du projet de loi à l’assemblée nationale.

Il ne peut assurément s’élever aucun doute sur l’utilité des caisses de retraite considérées en elles-mêmes. Un des plus pressans besoins des classes laborieuses, c’est d’assurer l’existence de l’ouvrier pour l’époque où le travail ne lui est plus possible. Le père âgé, infirme, qui ne peut plus travailler, est souvent une charge pour ses enfans, et alors même que cette charge est acceptée sans murmure, ce qui n’arrive malheureusement pas toujours, elle n’en est pas moins lourde pour ceux qui la supportent et douloureuse pour celui qui l’impose. Même au point de vue de la famille, dans l’intérêt du respect et de l’affection dus au père et à l’aïeul, il est à désirer qu’ils aient de quoi vivre par eux-mêmes et qu’ils soient plutôt pour leurs enfans un secours qu’un embarras. Les caisses d’épargne ne pourvoient qu’en partie à cette nécessité ; elles n’accroissent le capital versé que par l’accumulation successive des intérêts. Une caisse spéciale de retraite peut être plus efficace, car elle peut faire encore plus ; elle peut faire profiter l’homme arrivé à la vieillesse des versemens faits par ceux qui sont morts avant lui, et accroître ainsi la pension de ceux qui survivent et qui ont ainsi besoin du secours qu’ils se sont préparé. Des calculs faits avec soin sur les meilleures tables de mortalité établissent qu’avec un versement annuel de 10, 15 ou 20 francs par an, ce qui n’est certes pas au-dessus des facultés de l’ouvrier, on peut s’assurer en trente ou quarante ans, par les chances de survie, une retraite de 200, 300 ou 400 francs.

L’utilité et la possibilité des caisses de retraite étant démontrées, viennent les moyens d’exécution. Ces caisses seront-elles des sociétés libres, ou y aura-t-il une caisse unique dont l’état sera l’administrateur ? La retenue faite par l’ouvrier sur ses salaires pour la caisse des retraites sera-t-elle volontaire ou obligatoire comme elle l’est aujourd’hui pour les fonctionnaires rétribués par l’état ? Le conseil général a adopté le principe d’une seule caisse de retraite administrée par l’état, et les raisons qui l’ont décidé, fort bien développées par M. Benoist d’Azy, ont paru en effet assez péremptoires. Il a paru évident qu’en se chargeant des caisses de retraite, l’état ferait une bonne opération financière qui attirerait de l’argent au trésor, sans avoir les mêmes dangers que les caisses d’épargne, sujettes au remboursement immédiat ; en second lieu, l’état peut seul donner des garanties suffisantes pour rassurer les intéressés et les engager à verser ; enfin les calculs de mortalité, moins sûrs quand ils portent sur un nombre restreint de têtes, deviennent en quelque sorte infaillibles quand ils portent sur