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courte destinée. Il a voulu être Allemand et procéder de 1848, quoique de loin ; dès ce moment, il est devenu embarrassant et incommode pour la Prusse.

Autre vice originel du parlement d’Erfurth : il était la représentation populaire et élective de l’unité germanique. C’est là aussi une idée de 1848 et destinée à mourir. Aujourd’hui on parle encore de l’unité germanique, parce que ce langage a bonne grace auprès des bourgeois allemands, et que dans la pensée même de quelques princes il y a là un vieux parfum de 1813 et de l’ère de l’indépendance qui leur est agréable. L’unité de l’Allemagne est donc encore de mise dans le langage de l’archéologie patriotique et dans le langage des bourgeois libéraux des petits états allemands ; mais aucun état ne songe, à l’heure qu’il est, à faire encore représenter l’unité de l’Allemagne par une assemblée élective et populaire. Le temps de ces assemblées est passé, dit-on, et ce sont maintenant les congrès de princes ou de plénipotentiaires diplomatiques qui doivent représenter l’unité de l’Allemagne. Ici se reproduit également la vieille discorde entre l’Allemagne du midi et l’Allemagne du nord, entre l’Autriche et la Prusse. Quand le parlement d’Erfurth était encore dans les limbes de l’avenir, et avait le crédit qui, de nos jours, s’attache si aisément à ce qui n’est pas l’Autriche, pour contrebalancer le crédit que pouvait donner à la Prusse la perspective de ce parlement d’Erfurth, avait fait proposer par la Bavière un autre parlement plus ou moins libéral que celui d’Erfurth, plus ou moins germanique, nous ne savons pas trop à quoi nous en tenir à ce sujet. C’eût été parlement contre parlement, ou plutôt ombre contre ombre. Aujourd’hui que ces ombres mêmes ne sont plus de saison, nous trouvons en Allemagne deux congrès ou deux diètes, ou deux projets de congrès et de diète, l’un à Berlin, c’est un congrès de princes présidé par le roi de Prusse, — c’est là qu’on doit s’entendre sur la manière de réaliser l’union restreinte, l’union du nord, dont le congrès de Berlin devient le noyau monarchique et princier, comme le parlement d’Erfurth en était le noyau populaire et électif ; — l’autre congrès ou diète, non pas de princes, mais de ministres plénipotentiaires, est convoqué à Francfort par l’Autriche, à titre d’état président de l’ancienne confédération germanique. Que reste-t-il donc maintenant de 1848 ? M. le prince de Wallerstein, dans la première chambre bavaroise, adressait, le 2 mai dernier, au gouvernement bavarois les questions suivantes : « Dans quel état se trouvent en ce moment les affaires d’Allemagne ? Reste-t-il encore aux yeux du gouvernement une Allemagne formant un ensemble ? Quels en sont les organes ? quel en est le lieu ? » Le gouvernement bavarois a pris du temps pour répondre à cette question, et peut-être a-t-il pensé que le temps se chargerait de répondre au prince de Wallerstein. Quant à nous, qui voyons de loin, mais qui n’en voyons que plus impartialement, nous n’hésitons pas à dire qu’à nos yeux, et à considérer la marche des événemens et la clôture ou l’ajournement du parlement d’Erfurth, il n’y a plus d’autre Allemagne formant un ensemble que l’Allemagne de 1815, et que le seul lien subsistant est l’acte fédéral de 1815. Le prince de Wallerstein, continuant à faire une de ces questions parlementaires auxquelles on peut toujours adresser la vieille réponse d’Agamemnon :

Pourquoi le demander, puisque vous le savez ?