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des litanies pour la circonstance avec l’oraison in vinculis, et l’opinion des bonnes gens de province est ameutée contre les persécuteurs de l’église !

Nous pensons que monseigneur Franzoni, qui doit avoir de justes motifs de reconnaissance vis-à-vis du ministère, eût mieux fait d’employer son influence à calmer les esprits qu’à souffler ainsi le feu. C’est M. d’Azeglio qui, contre l’avis de bien des gens, lui a rouvert dernièrement les portes de Turin et a rétabli sur son siège ce prélat, qui ne résidait plus depuis deux ans. Au commencement de 1848, le premier ministère constitutionnel du roi Charles-Albert s’était vu contraint d’éloigner de Turin monseigneur Franzoni, dont l’esprit intolérant et l’humeur tracassière compromettaient la paix publique, et ce ministère était celui du comte Balbo ! Aujourd’hui, à peine de retour, ce prélat lève l’étendard contre le gouvernement, alors que celui-ci, pour protéger sa personne contre l’animadversion de la population turinoise, a été obligé, dernièrement encore, de mettre garnison dans le palais archiépiscopal, ce qui n’empêche pas monseigneur Franzoni de se poser en victime, et M. le cardinal Antonelli de fulminer contre les attentats du gouvernement piémontais ! Tout cela est déplorable. Il serait à désirer que la cour de Rome, cédant à des conseils désintéressés, mît tous ses efforts à étouffer l’incendie que de dangereuses passions cherchent à attiser. Le gouvernement piémontais va envoyer à Rome un ministre chargé de traiter cette affaire avec le saint-siège. Le choix du plénipotentiaire est chose difficile et délicate ; cependant, si, comme le bruit s’en répand, c’est M. le comte Gallina, le même qui fut envoyé l’année dernière à Londres pour suivre les négociations du traité de paix avec l’Autriche, on ne peut que s’en applaudir et augurer favorablement du résultat.

En définitive, l’épiscopat piémontais est le principal auteur de la situation actuelle. Il devrait s’accuser le premier de l’échec qu’il vient de subir et des haines anti-religieuses auxquelles il vient de faire la part si belle. Son étroit esprit d’opposition nuit à la religion, de même que les plaintes du cardinal Antonelli contre l’esprit révolutionnaire qui anime le ministère piémontais nuisent à la cour de Rome. Si c’est faire de la révolution que de soumettre le clergé au droit commun en matière temporelle, comme il y est soumis chez nous, la papauté elle-même a été bien près de se montrer révolutionnaire. Le cardinal Antonelli ne peut ignorer qu’une proposition de la chambre des députés de Rome avait été faite dans ce sens et déjà agréée par Pie IX, et que, si la république n’était venue couper court à l’œuvre de M. Rossi, il y a plus d’un an qu’à Rome même cette réforme nécessaire serait accomplie. L. G.



V. DE MARS.