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Le littoral septentrional de la péninsule anatolique est loin d’être aussi favorisé par la nature que ses côtes du midi et de l’ouest. Sur l’immense développement de cette ligne côtière, depuis Scutari jusqu’aux frontières des possessions russes du Caucase, on ne compte pas une seule baie qui ne soit plus ou moins exposée aux vents du nord, si fréquens et si violens dans ces parages. Aussi, à l’exception de Batoun, les principales villes de la côte septentrionale, Eregli, Amassera, Sinope, Samsun, Trébisonde, n’ont-elles que des rades plus ou moins mauvaises. Toutefois, si le littoral septentrional est moins riche que les côtes du midi et de l’ouest en abris spacieux et commodes, le commerce y est beaucoup plus actif, surtout depuis l’établissement d’un service régulier de bateaux à vapeur entre Constantinople et Trébisonde. C’est en 1841 qu’une ligne de bateaux autrichiens fut pour la première fois mise en activité entre ces deux points. La navigation de Constantinople à Trébisonde a reçu, en 1845, une impulsion toute particulière, par suite de la création d’un nouveau service de bateaux anglais. L’Angleterre n’a point tardé, là comme ailleurs, à supplanter ses rivaux ; ses paquebots font déjà un tort immense aux bateaux autrichiens, et le jour viendra bientôt, sans doute, où elle arborera le drapeau triomphant de son commerce sur tout le littoral septentrional de l’Asie Mineure.

J’ai dit qu’à l’exception de Batoun, ce littoral n’avait pas de bon port. La ville de Batoun, en effet, s’élève près d’une baie sinueuse, abritée à l’ouest par le cap nommé Batoun-Bouroun, et une jetée qui recourberait ce cap un peu au nord-est transformerait aisément la baie en un port excellent. Batoun deviendrait ainsi, par sa position exceptionnelle sur le bassin de la mer Noire, l’unique intermédiaire entre le commerce de l’Europe et celui de l’Asie. De tous les points de l’Anatolie, c’est celui qui, à ce titre, mériterait le plus de fixer l’attention de la Russie, et qui serait le plus digne de ses désirs ou de ses regrets. Un tableau du mouvement commercial du port de Samsun en 184.1, 1842 et 1846 fera juger de l’impulsion imprimée à la navigation marchande sur la côte où s’élève Batoun par l’établissement des bateaux à vapeur autrichiens et anglais.

Mouvement du port de Samsun pendant les années 1841, 1842 et 1846


PAVILLONS Nombre des bâtimens Valeur des marchandises importées Valeur des marchandises exportées
1841 Turc 59 2,389,385 fr. 2,096,875 fr.
Autrichien 34 807,350 843,900
Russe 3 26,250 2,625
Sarde 1 12,500