Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/867

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et nombreuses de ce magnifique pays. — Il est non moins évident que l’absence de voies de communication doit être comptée parmi les principales causes qui ont entravé le développement de ces ressources. — Il faut reconnaître enfin que la situation de l’Asie Mineure a été plutôt aggravée qu’améliorée par les prescriptions de l’acte de Gulhané. À côté de dispositions libérales, cet acte laissait à l’arbitraire une part que les agens subalternes de l’administration turque ont trop bien su exploiter. En continuant de refuser la validité légale au témoignage des sujets chrétiens de l’empire, on a créé une situation intolérable à une portion considérable de la population, qui est tenue d’obéir aux prescriptions civiles des lois musulmanes. Deux considérations importantes devraient cependant décider le gouvernement turc à supprimer cette différence inique au point de vue légal entre les musulmans et les chrétiens. — En reconnaissant l’égalité devant la loi des deux religions, le divan obtiendrait à son tour l’abolition de la juridiction exceptionnelle que les puissances européennes sont forcées de maintenir en faveur de leurs nationaux résidant en Turquie, et qui est très préjudiciable aux intérêts musulmans. — Cette grande réforme aurait un autre avantage : elle détournerait vers le territoire turc le torrent de l’émigration européenne qui se porte en ce moment vers des contrées plus lointaines, et qui trouverait là des conditions de prospérité, de stabilité, bien supérieures à celles qu’on cherche aujourd’hui dans les solitudes inexplorées du Nouveau-Monde.

La première de ces considérations tient aux intérêts les plus sérieux de la Turquie. La dignité du gouvernement est compromise par les privilèges dont jouissent les Européens résidant sur le territoire ottoman ; l’ordre public en souffre plus encore. Quand on a vu dans les grands ports de mer de la Turquie, à Smyrne, par exemple, les abus scandaleux que favorise la législation relative aux Européens, on ne s’explique pas que le gouvernement turc laisse subsister plus longtemps un pareil régime. La simple exhibition d’un passeport suffit pour soustraire à la justice musulmane l’étranger qui a enfreint le plus audacieusement les lois du pays. Ce privilège équivaut même à une sorte d’impunité, car ceux qui se sont trouvés sur les lieux savent très bien que la prétention invoquée par les puissances européennes de juger elles-mêmes et de châtier au besoin leurs nationaux n’est le plus souvent qu’un vain prétexte. Cette foule d’aventuriers maltais, céphaloniens, corfiotes, que le consul britannique de Smyrne enlève chaque jour aux tribunaux turcs, reparaissent après une courte absence sur les lieux mêmes souillés par leurs crimes et y défient insolemment l’autorité musulmane.

L’intérêt du gouvernement turc serait donc d’abolir le régime suranné