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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/875

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expriment son caractère passionné. Au sein de l’intimité, elle laisse échapper la naïveté presque enfantine que son esprit a été assez heureux pour conserver dans toute sa fraîcheur à travers des études sérieuses et incessantes. Ses traits ne sont pas beaux (je demande pardon à l’auteur de traduire cette ligne, ce qui suit est mon excuse), mais fins, expressifs et nettement dessinés ; dans une conversation animée, ils deviennent parlans, pleins de vie, et acquièrent alors une beauté animée et d’un caractère particulier. » Voilà pour le signalement de la femme, passons à l’écrivain. Mlle Toussaint a écrit, de 1835 à 1847, un grand nombre de nouvelles et de romans, une trentaine environ en douze ans, et, ce qui rend cette fécondité plus remarquable, plusieurs de ces compositions appartiennent au genre historique, et ont exigé des études sérieuses devant lesquelles l’auteur n’a jamais reculé.

Après avoir publié des récits détachés qui ont paru dans divers recueils littéraires et sur lesquels l’auteur s’est prononcé depuis assez sévèrement[1], Mlle Toussaint se tourna vers le roman historique. Elle débuta dans ce genre de composition par le Duc de Devonshire, épisode de la jeunesse de Marie Tudor ; puis vinrent les Anglais à Rome, peinture de la Rome de Sixte V, qui eut un grand succès. La Maison Lawernesse a ouvert la série des compositions dans lesquelles Mlle Toussaint a évoqué des personnages appartenant à l’histoire de son pays ou liés à cette histoire, tantôt peignant la cour de Bourgogne dans Charles-le-Téméraire, tantôt faisant paraître sous un jour nouveau le cardinal de Ximenès et le duc d’Albe. Le temps me manquerait pour suivre Mlle Toussaint dans le vaste champ qu’elle a parcouru, aux applaudissemens de ses compatriotes. D’ailleurs, comment analyser et caractériser ici des ouvrages si nombreux et si étendus ? Je crois plus utile de m’attacher à un roman de Mlle Toussaint, à celui qui, à mon sens, est le plus considérable, et de chercher à donner une idée de la nature de son talent par quelques citations. En géologie, toutes les descriptions du monde ne valent pas, pour faire connaître un terrain nouveau, le moindre échantillon : il en est à cet égard de la littérature comme de la géologie.

Celui des ouvrages de Mlle Toussaint auquel elle semble attacher le plus d’importance est un roman historique intitulé : Leicester dans les Pays-Bas. On sait qu’après avoir appelé le duc d’Anjou, les Hollandais, en lutte avec l’Espagne, mirent à leur tête le célèbre favori d’Élisabeth. C’est la situation de la Hollande sous Leicester qu’a voulu peindre Mlle Toussaint. Toutes les opinions religieuses et politiques, tous les intérêts et les sentimens des divers partis qui divisaient la nation hollandaise à cette époque sont retracés dans cette vaste et consciencieuse

  1. Voyez la préface des Versprejde Verhaalen.