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VIII. – MARIONNETTES PARLANTES. - MARIONNETTES PANTOMIMES.

Voici la dernière et la plus importante question que présente à nos investigations l’étude des marionnettes antiques. Qui parlait pour les poupées de ce théâtre, et de quelle façon parlait-on pour elles ? Enfin, le jeu des marionnettes grecques et romaines a-t-il toujours été accompagné de paroles ?

Si nous avons exprimé tout à l’heure une idée vraie en disant que le petit spectacle qui nous occupe s’est toujours appliqué à la représentation de ce qu’il y a eu, en chaque pays, de plus bruyant, de plus populaire, de plus national, nous sommes en droit d’ajouter que, chez un peuple aussi amoureux de la parole que le peuple grec, il est à peu près impossible de supposer que les marionnettes aient été muettes. C’était, certes, une belle et heureuse occasion, pour un Hellène directeur de comédiens de bois, que d’avoir à parler lui seul pour sa troupe entière. Je crois, en effet, qu’il en a été ainsi en Grèce. Rien ne nous autorise à croire que, comme dans quelques salons italiens, notamment dans ceux de Rome, où l’on admettait volontiers assez récemment le jeu des burattini, chaque personnage ait eu un interprète particulier, donnant la réplique impromptue, comme dans la comedia dell’ arte. Nous avons vu à Athènes, dans le repas de Callias, le bateleur syracusain s’apprêter à faire jouer ses marionnettes sans le secours d’aucun auxiliaire. Mais alors, direz-vous, comment déguisait-il sa voix et l’accommodait-il à l’âge, au sexe, à la condition des divers interlocuteurs ? Peut-être employait-il le procédé en usage de nos jours on sait que, de temps immémorial, nos joueurs de marionnettes se servent d’un et quelquefois de plusieurs petits instrumens d’ivoire ou de métal, au moyen desquels ils changent leurs intonations, et donnent surtout une espèce d’éclat surnaturel et emphatique à. l’organe du principal personnage. Je ne puis m’empêcher de faire remarquer la singulière ressemblance qui existe entre la forme, la matière et les effets de cet instrument (que nous appelons sifflet pratique, ou plus simplement pratique) et l’espèce de bouche de cuivre dont Eschyle et ses successeurs ont pourvu les masques tragiques et comiques. Il est permis de supposer que le petit instrument dont je parle, et qui est sans analogie avec aucun des usages modernes, a été inventé par les névrospastes de l’antiquité, pour varier et égayer leurs intonations, pour communiquer à la voix supposée de leurs acteurs quelque chose de l’accent particulier que contractait l’organe des comédiens véritables en passant par le porte-voix des masques de théâtre, et reproduire ce timbre métallique auquel l’oreille des Grecs s’était accoutumée.

Mais si la Grèce a été, par sa faconde naturelle, la patrie des marionnettes