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Cunctorum est novitas gratissima rerum[1].

Le directeur de ces marionnettes, nouvelles en France, s’appelait La Grille. Le programme se termine ainsi :

« Ce qu’on n’a point vu jusqu’ici, des figures humaines de quatre pieds de haut, richement habillées, et en très grand nombre, représenter sur un vaste et superbe théâtre, des pièces en cinq actes, ornées de musique, de ballets, de machines volantes, de changemens de décorations, réciter, marcher, actionner, comme des personnes vivantes, sans qu’on les tienne suspendues : c’est ce qu’on verra désormais… »

La seconde pièce jouée sur ce théâtre fut un opéra féerique intitulé les Amours de Microton, ou les Charmes d’Orcan, tragédie enjouée. Cette dénomination absurde est changée à la main, dans l’exemplaire que j’ai sous les yeux, en celle de pastorale enjouée. L’année suivante (1677), le théâtre des Pygmées prit le nom de Théâtre des Bamboches ; mais ces ambitieuses marionnettes ne tardèrent pas à succomber sous les réclamations de l’Opéra, confirmant la prophétie du Mercure : « Elles chantent trop haut pour chanter long-temps.— » Nous verrons plus tard d’autres pygmées et d’autres bamboches.


VIII. — PREMIERS JOUEURS DE MARIONNETTES AUX FOIRES SAINT-GERMAIN ET SAINT-LAURENT.

Ce sont surtout les foires Saint-Germain et Saint-Laurent qui ont été le berceau, et, à partir de 1697, la vraie patrie des marionnettes. L’origine de ces deux célèbres enceintes, lieux de franchise ouverts au commerce et à l’industrie, se perd dans la nuit des temps. La foire Saint-Germain, qui, aux XVIIe siècle, commençait à la Purification et durait jusqu’au dimanche des Rameaux, occupait l’emplacement où se trouve le marché actuel. La foire Saint-Laurent, qui s’ouvrait la veille de la fête de saint Laurent, et se terminait à la Saint-Michel, le 29 septembre[2], se tint d’abord entre Paris et le Bourget, puis, à parti de 1662 entre les rues du Faubourg-Saint-Denis et du Faubourg-Saint-Martin. Il était naturel que les marchands, intéressés à attirer la foule, aient de bonne heure appelé près d’eux des saltimbanques. On ne trouve pourtant aucun indice de jeux de théâtres à la foire Saint-Germain avant l’année 1595. Une sentence, rendue le 5 février par le lieutenant civil, sur la plainte des maîtres de la Passion, permit à une troupe de comédiens de province de continuer leurs représentations dans le préau de la foire où ils s’étaient établis, à charge de payer auxdits maîtres deux écus

  1. Beauchamp a inséré le titre de cet opéra fait pour les marionnettes dans la liste des tragi-comédies jouées par les comédiens du Marais, et cette lourde bévue a été naturellement répétée par tous ses successeurs.
  2. La durée des deux foires a beaucoup varié ; il faut voir l’histoire de ces changemens dans les Antiquités de Paris, par Sauval.