Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/1052

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Paris a publié la dernière in extenso, comme plus décente et plus réservée dans ses plaisanteries que les pièces du même genre : nous sommes obligé de confesser que cet échantillon de décence ne donne pas une opinion fort avantageuse de mesdames les marionnettes vers la fin du règne de Louis XIV ; elle préludaient à la régence.

Il ressort de deux procès-verbaux dressés, l’un le 30 août 1707, l’autre le 3 août de l’année suivante, que tous les essais de comédies et d’opéras-comiques, que s’efforçaient de faire représenter à chaque foire Allard, Maurice, De Selles, Michu de Rochefort, Octave et autres, étaient toujours précédés, pour la forme, d’un jeu de marionnettes qui constituait, avec les danses de corde, l’objet principal ou plutôt le seul de leur privilège ; mais ils employaient tous leurs efforts pour faire de l’accessoire le principal. Un arrêt du parlement du 2 janvier 1709, qui venait après plusieurs autres ; enjoignit à Dolet, La Place et Bertrand de ne faire servir dorénavant leur loge qu’aux exercices de leur profession, la danse de corde et les marionnettes.

C’est alors que s’établit l’usage des pièces à la muette, mêlées de jargon, et celui des pièces à écriteaux. Le jargon consistait en mots vides de sens que les forains introduisaient dans leurs farces, surtout dans les parodies des pièces de la Comédie-Française ; ils déclamaient ces mots en parodiant l’emphase et le son de voix des Romains (c’était le nom qu’ils donnaient aux comédiens français). Quant aux écriteaux, on les vit commencer à la foire Saint-Germain de 1710 : c’étaient des couplets écrits sur une pancarte de carton, que chaque acteur, au moment venu, déroulait aux yeux du public. L’orchestre jouait l’air, et des gagistes, placés au parquet et à l’amphithéâtre, les chantaient, engageant ainsi toute la salle à les imiter. Deux ans plus tard, on fit descendre les écriteaux du cintre, afin de rendre aux acteurs la liberté d’exprimer par leurs gestes le sens des couplets.

En 1715, Carolet, qui devait bientôt se montrer le plus fécond des auteurs forains, débuta par une pièce bien téméraire, qu’il donna aux marionnettes de Bertrand, le Médecin malgré lui, parodie en trois actes et en vaudeville de la comédie de Molière. À la foire Saint-Germain de 1717, Carolet confia à la même troupe une petite pièce en un acte, la Noce interrompue. On vit surgir la même année un nom destiné à devenir célèbre parmi les directeurs de marionnettes. Bienfait, gendre et successeur de Bertrand, représenta à la foire Saint-Germain une petite comédie fort libre de Carolet, intitulée la Cendre chaude, un acte en prose, avec des divertissemens et des couplets[1]. Il s’agissait d’un prétendu mort qui se permettait, dans son mausolée, d’assez égrillardes fantaisies. Pendant année 1719, tous les théâtres forains furent supprimés ; il n’y eut d’exception que pour les danseurs de corde

  1. Théâtre inédit de Carolet, Soleinne, n° 3407.