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un académicien et un prince du sang, et représentée dans le salon de la duchesse du Maine, il nous serait, tant les mœurs changent ! bien difficile d’en citer deux phrases. Le fond de cette bluette est la prétention hautement déclarée par Polichinelle d’entrer à l’Académie. Il prône la légitimité de ses droits au fauteuil par une foule de coq-à-l’âne amusans ; puis, il donne un échantillon burlesque de sa future harangue de réception ; enfin, il énumère certaines difficultés de langage sur lesquelles il sent quelque crapule (c’est-à-dire scrupule). Ce sont certaines locutions équivoques sur lesquelles il désire connaître l’avis de MM. les quarante, et qui n’ont pu, dit-il, échapper à des nez tels que les leurs. Une de ces expressions dont il voudrait purifier le dictionnaire qu’élabore la docte compagnie est celle-ci : « Entre eux selles le cul à terre. » Il propose entre deux siéges comme beaucoup moins incongru, et il pénètre très à fond dans la matière ; tout le reste est à l’avenant. On peut inférer d’une des épigrammes décochées contre Malézieu qu’il fut obligé de se tenir quelque temps éloigné des réunions de l’Académie. Il y reparut cependant à la réception de M. l’évêque de Soissons. Une autre pièce nous apprend qu’on priva Malézieu, tant que dura la brouille, du don que les quarante étaient dans l’usage de se faire mutuellement de leurs ouvrages. Cette singulière punition appelait bien naturellement la raillerie ; on ne s’en fit pas faute.

Les marionnettes de Malézieu jouèrent encore cette même année (1705) à l’hôtel de Trèmes, devant le duc de Bourbon. Elles représentèrent une petite pièce où le président de Mesmes, confrère de Malézieu à l’Académie française, fut quelque peu maltraité, ce qui donna lieu de nouvelles épigrammes. Dans toutes, le nom de Brioché était la grosse injure que l’on jetait à la tête du chancelier de Dombes.

Puisque j’ai commencé de parler des rapports de Polichinelle et de l’Académie ; je dois signaler une autre pièce de vers placée dans le recueil de Maurepas sous la date de 1732. Elle est intitulée Requeste du sieur Polichinelle à nosseigneurs de l’Académie françoise établie a u Louvre[1]. Ce que Polichinelle demande dans cette requête, ce n’est pas, comme en 1705, un fauteuil d’académicien ; il ne réclame que le droit d’assister aux séances, comme on venait de l’accorder aux acteurs de la Comédie-Française. Il faut convenir que notre ami Polichinelle est ici tout-à-fait dans son tort, et que ses railleries portent sur un acte qui n’avait rien que d’honorable. Le 3 mai 1732, quatre jours avant la représentation de l’Éryphile de Voltaire, des députés de la Comédie-Française allèrent offrir aux membres de l’Académie l’entrée de leur théâtre, ce qui fut accepté avec l’approbation du roi. L’Académie, en retour de cette politesse, octroya aux comédiens français

  1. Recueil de chansons et de vers satiriques, t. XVIII, p. 151.