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c’est de prouver à sa femme, un peu adonnée aux idées des matérialistes du temps, que l’ame survit au corps et retrouve dans d’autres régions toutes les personnes aimées. Ce cadre est fort beau sans doute seulement Restif, qui, en réalité, est une sorte de spiritualiste païen, tire de la doctrine des Indous et des Égyptiens la plupart de ses argumens. Tantôt l’ame repasse dans un autre corps après mille ans, comme chez les anciens ; tantôt elle s’élève dans les astres et y découvre des paradis innombrables, comme dans Swedenborg ; tantôt elle s’éthérise et passe à l’état d’ange ailé, comme dans Dupont de Nemours ; mais, après toutes ces hypothèses, le véritable système se démasque, et on arrive à une cosmogonie complète, qui présente la plupart des suppositions du système de Fourier. Un personnage nommé Multipliandre a trouvé le secret d’isoler son ame de son corps et de visiter les astres sans perdre la possibilité de rentrer à volonté dans sa guenille humaine. Il s’établit, sur un sommet des Alpes, dans une grotte couverte par les neiges, et, s’étant, enduit de substances conservatrices et placé dans un coffre bien défendu contre les ours, il arrive à cet état d’extase et d’insensibilité où certains santons indiens se réduisent, dit-on, pendant des mois entiers : Là commence la description des planètes, des soleils et des cométo-planètes, avec une hardiesse d’hypothèses qu’on ne nous a pas épargnée depuis. Il est fort curieux de pénétrer dans cet univers formulé, après tout, d’après quelques bases scientifiques, où nous trouvons la lune sans atmosphère, Mars habité par des poissons à trompe et le soleil par des hommes d’une telle taille que le voyageur ne trouve à causer là qu’avec un ciron qui se promène sur l’habit d’un individu solaire : cet insecte, n’a qu’une lieue de haut et son intelligence, quoique fort supérieure, se rapproche de celle des hommes. Il explique que l’être suprême n’est qu’un immense soleil central, cerveau du monde, duquel émanent tous les soleils, chacun, d’eux vivant et raisonnant et donnant le jour à des cométo-planètes ; c’est-à-dire les secouant dans l’espace à peu près comme l’aster de nos jardins secoue ses graines. Quand les cométo-planètes sont ce qu’on appelle aujourd’hui des nébuleuses, elles nagent dans l’éther comme des poissons dans l’eau, s’accouplent et produisent des astroïdes plus petites. En mourant, elles se fixent et deviennent satellites ou planètes. Dans cet état, elles ne subsistent plus, que quelques milliards d’années, et c’est de leur décomposition successive que naissent les végétaux, les animaux et les hommes. Les espèces dégénèrent à mesure que la corruption s’avance la planète se pourrit tout-à-fait ou se dessèche, et finit par être la proie d’un soleil qui la consume pour en reproduire les élémens sous des formes nouvelles. Le ciron solaire n’en sait pas davantage, et l’auteur avoue qu’il peut s’être trompé sur bien des points ; mais combien ces données sont déjà supérieures à l’intelligence des hommes ! Multipliandre