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trouve que cette circulation totale de 21,605,269 liv. sterl. est couverte par 16,800,242 liv. sterl. de valeurs métalliques, et qu’un cinquième à peine, soit 4,805,207 liv. sterl., est représenté par des valeurs non immédiatement réalisables, telles que des rentes ou des bons de l’Échiquier ; 9,770,045 liv. sterl. de billets restent en portefeuille. Veut-on s’en tenir au compte établi par le département des émissions ? il en résulte que, sur le capital accru de la réserve, plus de 85 millions de francs sont employés à former l’encaisse en numéraire. La Banque de France, avec une circulation qui approche de celle de la banque d’Angleterre, ne garde pas plus de 30 millions disponibles sur un maigre capital de 108 millions ; encore doit-on mettre en regard les 125 millions pour lesquels la Banque est engagée envers l’état.

Il convient d’ajouter qu’en cas de panique, la banque d’Angleterre est infiniment moins exposée que la Banque de France. Premièrement, les dépôts qu’elle reçoit proviennent en partie des caisses publiques, et ne donneraient pas lieu à un retrait général ni subit ; secondement, l’usage des billets est entré si avant dans les habitudes de la population, celui du numéraire est tellement restreint, et on liquide un si grand nombre d’opérations par des viremens de compte, que la demande des espèces n’aurait à Londres ni le même emportement ni la même durée. Cependant la banque d’Angleterre s’est trouvée elle-même dans des embarras pressons, preuve évidente de la nécessité d’imposer aux établissemens de crédit les mieux dirigés des règles plus prévoyantes et plus sévères. La circulation fiduciaire, dans tout pays civilisé, doit être assise sur des fondemens inébranlables, si l’on ne veut pas jeter une crise monétaire, c’est-à-dire le rocher qui submerge infailliblement la barque en détresse, au travers des crises qui peuvent frapper l’industrie, le commerce et l’état.

On ne saurait accuser la Banque de France de se conformer systématiquement aux doctrines de l’apologie qui veut qu’aucune parcelle du capital ne soit consacrée à la réserve en numéraire. L’auteur de cette défense ne croit pas davantage, quoiqu’il l’insinue, que je demande une réserve en numéraire qui assure le remboursement intégral et universel des billets mis en circulation. La véritable difficulté qui s’élève à propos de la loi du 6 août est celle de savoir si l’on posera des règles à la circulation, ou si le législateur s’en remettra, comme par le passé, à la discrétion de la Banque. La Banque n’envisage que ce qu’il y a de commode dans l’arbitraire ; elle ne redoute pars assez ce que l’arbitraire entraîne de responsabilité. Les hommes qui la dirigent voudraient rester maîtres de resserrer ou d’étendre l’émission des billets, comme au temps où ils n’en avaient pas le monopole. Cependant le pouvoir détermine, en tenant compte des forts, la valeur de la monnaie métallique. Toute unité de valeur ou de mesure doit être ainsi