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soumettre le budget de dépenses trop diverses. Sur leur refus réitéré, les chambres ont été dissoutes pour la seconde fois ; et M. Hassenpflug a mis en état de siége un pays, dont toutes les autorités constituées protestent résolûment contre lui. M. Hassenpflug se sent fort contre le soulèvement universel, non point du concours de l’armée hessoise, sur laquelle il ne saurait compter, mais de l’espoir qu’il a d’une intervention des troupes autrichiennes et bavaroises. Nous regretterions profondément une pareille démarche. Elle jetterait tout-à-fait la diète de Francfort qui l’aurait autorisée dans les voies de ses prédécesseurs de 1815, au mépris des promesses que l’Autriche publiait encore par sa circulaire du 19 juillet dernier. Elle obligerait la Prusse à passer à son tour sur le territoire électoral, ou sinon à subir une humiliation trop flagrante. On ne peut prévoir les conséquences de pareilles extrémités. Il n’y aurait peut-être plus pour les deux puissances rivales, qu’une manière d’éviter ou d’ajourner le conflit : ce serait de partager le pays qui l’aurait provoqué. Cette transaction ne nous paraîtrait pas beaucoup moins nuisible que le conflit lui-même à l’équilibre déjà si compromis de l’Allemagne.

L’Espagne vient de traverser sa crise électorale ; le résultat est maintenant connu, sauf pour les Baléares et les Canaries, qui nomment ensemble 13 députés. Ce résultat justifie, et bien au-delà, tout ce que nous avons dit, il y a déjà plus d’un an, de la reconstitution politique de l’Espagne. Sur 230 modérés sortans, 70 n’ont pas été réélus ; mais, en revanche, 130 modérés nouveaux ont été élus ; ce qui, joint à 19 doubles élections de modérés, constitue la majorité en bénéfice net de 79 voix. Le parti progressiste a obtenu 4 nominations nouvelles et une double élection ; mais il a laissé sur le carreau 47 membres anciens : perte nette pour les progressistes, 42 voix. Les néo-conservateurs enfin ont été éliminés en masse au nombre de 44. Pour bien faire apprécier toute la signification de ces chiffres, examinons en quelques mots le système électoral de l’Espagne et les circonstances au milieu desquelles les dernières élections se sont accomplies.

La loi électorale espagnole repose sur les deux bases de la richesse et de la capacité. Tout Espagnol de vingt-cinq ans devient électeur en justifiant de 400 réaux (cent francs) d’impôts directs, et cette limite admet beaucoup plus d’électeurs quelle n’en admettrait chez nous ; D’une part, le commerce et l’industrie proprement dite sont beaucoup plus fractionnés en Espagne qu’en France, de sorte que, pour la même somme de mouvement industriel et commercial, il y a plus de patentés, c’est-à-dire plus de censitaires. D’autre part, la propriété foncière est beaucoup moins divisée en Espagne qu’en France, ce qui fait encore que, pour la même étendue de terrain, il y a là plus de contribuables à cent francs qu’on n’en trouverait ici. Remarquons aussi que, par suite des vicissitudes financières de nos voisins, les placemens sur les fonds publics, qui soustraient en France un grand nombre de fortunes à l’impôt direct, ont été jusqu’ici beaucoup moins recherchés en Espagne. Le cens de cent francs descend jusqu’à cinquante francs pour les capacités suivantes : les membres des trois académies, — les docteurs et licenciés (ce dernier titre est aussi banal en Espagne que l’est en France celui de bachelier ès-lettres), — les chanoines et les curés, — les magistrats, — les employés en activité, en disponibilité et en retraite, quand leur traitement s’élève à 2 000 francs au moins