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uns, écrivains d’Occident, prétendent qu’Alexandre livra au pillage et détruisit de fond en comble la métropole de la Perse, à cause de la haine connue de ses habitans pour les Grecs. À les entendre, ce conquérant ne voulut d’abord épargner que le palais des rois, qui fut, à la vérité, brûlé, mais dans un moment où, si l’on en croit les historiens grecs, le héros macédonien n’avait pas toute sa raison. Selon les auteurs orientaux, au contraire, la ville d’Istâkhr aurait survécu long-temps à la ruine du palais des rois de Perse, et les habitans s’en seraient dès-lors distingués, parmi tous leurs compatriotes, par une haine implacable contre les conquérans de leur patrie, précisément en raison de l’incendie des palais de leurs souverains.

Sans vouloir faire prévaloir l’une ou l’autre de ces deux assertions, je ne puis, après l’inspection des lieux, me défendre de pencher pour la première. Aujourd’hui, on comprend sous le nom d’Istâkhr un espace de huit à neuf kilomètres de tour qui présente de grands mouvemens de terrain ; çà et là, sur ce vaste périmètre, se succèdent des talus ou de petites éminences, restes de murailles et de tours qui formaient l’enceinte de la ville. Sous la croûte épaisse de terre végétale qui, en s’amoncelant de siècle en siècle, tend à opérer un nivellement de ces ruines, on découvre encore d’antiques maçonneries : d’autres monticules rapprochés les uns des autres, des décombres qui apparaissent de tous côtés, sont autant d’indices de l’œuvre de destruction qu’à une époque reculée, ces lieux ont vu s’accomplir. Solitaire au milieu de ces tristes vestiges s’élève une colonne restée seule debout. Huit bases, des fûts et fragmens de chapiteaux d’autres colonnes semblables gisent alentour, à côté de quelques pans de murailles. La colonne restée debout est cannelée, ainsi que celles qui sont tombées ; elle est de petite dimension. Son chapiteau est formé de deux corps de taureau adossés c’est, comme nous le verrons, le type commun à tous les chapiteaux de Persépolis. Dans un rayon de quelque cent mètres autour de ces ruines, on en trouve d’autres parmi lesquelles sont aussi des débris de colonnes ; mais elles n’ont conservé aucun intérêt. Ces vestiges de constructions antiques se retrouvent sur les deux rives du Sivend-Roûd.

Dans la partie occidentale de la plaine de Merdâcht, là où elle se rétrécit et se trouve fermée par les montagnes du Louristan, on aperçoit trois masses de rochers qui se suivent presque en ligne droite et très rapprochées l’une de l’autre ; on les remarque à leurs formes singulières et semblables qui, de loin, figurent un cône tronqué : ces trois éminences portent les noms de Khoû-Istâkhr, Khâlèh-Istàkhr, ou encore Khoû-Rhamgherd, c’est-à-dire Monts-Istâkhr, ou citadelle d’Istâkhr, ou bien Monts-Isolés. Ces trois éminences sont espacées entre elles de deux à trois kilomètres ; dans les intervalles qui les séparent, on retrouve, se dirigeant de l’une à l’autre, des traces de fondations, et même quel-