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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/162

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et de ses préjugés, a été de tout admettre, de reconnaître la valeur de tous les élémens moraux, intellectuels, sociaux, en tentant de les faire vivre d’accord. L’idée éclectique par excellence a été l’idée de la coexistence des choses ; seulement l’éclectisme a oublié de fixer leurs rapports, de déterminer les relations dans lesquelles elles existent : il n’a point découvert la hiérarchie suivant laquelle elles se combinent et composent un organisme vivant.

Qu’on observe maintenant cette doctrine dans la réalité de la politique contemporaine : elle éclatera en conséquences que vous avez eues sous les yeux, et que bien avant 1848 l’auteur des Lettres de Paris, a décrites avec une piquante nouveauté. Le point de départ sera la coexistence éclectique des élémens divers de monarchie, d’aristocratie et de démocratie, manifestée par la trinité constitutionnelle ; mais, la pensée supérieure de hiérarchie entre ces élémens faisant défaut dans cette création « incomplète, confuse, embryonnaire, » l’idéal de gouvernement consistera à maintenir, dans la pratique, un équilibre parfait entre ces forces rivales, et, comme il est de la nature de tous les élémens politiques et sociaux de tendre sans cesse à se dilater, pour obtenir cet équilibre, ce sera une lutte de tous les instans, changeant chaque jour d’objet et de but, selon l’élément qui tendra à prévaloir. Si la monarchie semble vouloir revendiquer quelque action prépondérante, on lui courra sus, en lui parlant presque le langage des factions, comme cela s’est vu dans des époques que je ne veux pas rappeler. Si la démocratie menace de tout envahir et d’imposer sa loi, on marchera sur la démocratie pour la réduire. On assistera à ce curieux spectacle d’un parti, d’un homme, si l’on veut, grand par l’esprit, grand par le caractère, se consumant dans une agitation perpétuelle ; pour arriver, — à quoi ? A un équilibre chimérique, à un repos impossible de tous les élémens politiques et sociaux, — jusqu’à ce qu’un jour survienne où cet équilibre artificiel vole en éclats, laissant à nu la réalité anarchique qu’il dissimulait, jusqu’à ce qu’un fait soit avéré et attesté par les plus cruelles épreuves : c’est que la société, au sein de ces complications et de ces morcellemens, cherchant partout le pouvoir et ne le trouvant nulle part, a perdu la notion de l’obéissance et du droit. « Qu’on ne dise pas, observe M. Donoso Cortès, que le pouvoir était dans l’accord de la trinité constitutionnelle, parce que le pouvoir, étant une chose nécessaire, ne peut résider dans un accord qui est une chose contingente. » Poursuivez encore : dans les relations internationales, cette doctrine se traduira en quelque formule grandiose d’équilibre, — peut-être la paix partout et toujours ! — non qu’elle nourrisse une haine essentielle pour la guerre : « ce qu’elle hait dans la guerre, dit spirituellement l’auteur, ce n’est point la guerre, c’est la victoire, parce qu’elle dérange l’équilibre. » Une guerre où il n’y aurait ni vainqueurs ni vaincus ne lui déplairait pas. Ce