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d’autre pensée que la grandeur et la prospérité de la France ; Guillaume III a porté sur le trône d’Angleterre un esprit bien différent pour lui, cette couronne qu’il a tant désirée n’a jamais été qu’un instrument ; l’unique pensée de sa vie a été sa lutte contre Louis XIV ; il n’a voulu être roi que pour disposer des forces de l’Angleterre dans cette lutte qu’il avait commencée comme stathouder, et pour venger la Hollande, sa patrie, d’une injuste agression. Sans s’inquiéter beaucoup des intérêts propres de la nation qui l’avait mis à sa tête, il l’a engagée bien plus avant qu’elle n’aurait voulu dans les querelles du continent, il l’a précipitée dans les hasards d’une guerre acharnée pour des griefs qui n’étaient pas directement les siens, et cette guerre de vingt ans, qui a fini, il est vrai, si glorieusement pour l’Angleterre, a commencé par lui imposer des sacrifices énormes sans nécessité. Quant à ce qui touchait déjà les Anglais beaucoup plus que les affaires de l’Europe, quant aux questions intérieures du gouvernement, Guillaume s’en souciait peu, et ne cachait pas son dédain. « Il avait peu d’égard, dit M. Guizot, pour les exigences du régime constitutionnel, comprenait mal le jeu des partis parlementaires, encore confus et à peine formés, se montrait choqué de leur égoïsme, jaloux de leur empire, et défendait contre eux son propre pouvoir, quelquefois avec plus de vigueur que de discernement. »

Pour comble de disgrace, Guillaume et Marie n’avaient pas d’enfans ; après eux, la couronne revenait à une femme, mariée aussi en pays étranger, et, après la reine Anne, c’était encore un petit prince étranger, l’électeur de Hanovre qui devait être appelé à succéder. L’Angleterre a eu devant elle, dès le premier jour, la perspective d’une question de succession toujours ouverte. L’avènement de Guillaume III ne lui donnait qu’une solution viagère et qui devait la jeter bientôt dans les mêmes dangers ; elle a eu trois fois de suite tous les inconvéniens du principe d’hérédité par les femmes, et elle a été obligée de pourvoir trois fois à une sorte de vacance du trône en présence des prétentions toujours vivantes de la maison de Stuart, représentée par des héritiers mâles. En France, au contraire, une famille admirable se pressait autour du monarque : cinq fils du roi semblaient assurer à la maison d’Orléans un avenir indéfini, et parmi eux il n’en était pas un qui ne donnât tous les jours des preuves d’une grande distinction personnelle et d’un dévouement absolu à son pays. Qu’étaient-ce en apparence, pour donner force à un établissement royal, que ces trois femmes, la princesse Marie, la princesse Anne et la princesse Sophie, et auprès d’elles ces trois princes, l’un Hollandais, l’autre Danois, le troisième Allemand, en comparaison de ces cinq princes français, tous jeunes, beaux, intelligens, braves et éprouvés par le feu ?

Si de l’appréciation des deux hommes nous passons à l’examen des actes de leur gouvernement, nous trouvons une supériorité non moins