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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/233

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histoire des exemples en faveur de la république. Plus heureux, que les républicains français, dont les prédécesseurs n’excitent que l’horreur et l’effroi, les républicains anglais pouvaient invoquer le souvenir d’un temps qui avait été glorieux après tout. Si l’exécution de Charles Ier fut un crime presque aussi abominable que celle de Louis XVI, ce crime avait été suivi de grands succès au dehors et au dedans. L’Irlande comprimée, avec d’affreux moyens sans doute, mais à cette époque on n’y regardait pas de si près, le fameux acte de navigation rendu, la guerre entreprise avec succès contre les Provinces-Unies et contre l’Espagne, alors les deux premières puissances maritimes du monde, la Jamaïque occupée, Dunkerque pris, le pavillon anglais craint et respecté sur toutes les mers et la puissance coloniale du pays fondée, tels avaient été les résultats de dix ans de république. Cromwell n’ayant jamais pris le titre de roi, son gouvernement se confondait avec la république proprement dite, tandis qu’en France la gloire de l’empire était distincte de l’anarchie de 93 et de la faiblesse du directoire. La révolution anglaise avait eu d’ailleurs des succès sans revers, et rien de semblable aux deux invasions de 1814 et 1815 n’avait blessé les ames patriotiques. La république semblait donc avoir beaucoup plus de chances de rétablissement en Angleterre qu’en France, et elle avait en effet un plus fort parti.

Est-ce enfin que les partis parlementaires se soient montrés en Angleterre moins ardens et moins personnels ? Pas davantage. Les whigs et les tories se sont disputé le pouvoir, soit sous Guillaume III, soit sous la reine Anne, avec un acharnement dont les restes durent encore et qui dépasse de beaucoup tout ce qu’on a pu voir en France depuis vingt ans dans ce genre. Unis ou à peu près pour expulser Jacques II et appeler Guillaume III, ils se divisèrent aussitôt que le danger commun fut passé, et reprirent toutes les haines et toutes les rivalités un moment suspendues. Quelles qu’aient été les luttes déplorables dont nous avons été témoins pour la possession des portefeuilles, pour si loin qu’aient été portées parmi nous la mauvaise foi des partis, la fureur des ambitions déçues, l’aveugle jalousie, l’impatience effrénée des chefs, ce n’était pas encore, il faut en convenir, ce que l’Angleterre avait vu dans le cours orageux du XVIIIe siècle. On peut dire hardiment que whigs et tories étaient capables de tout pour se supplanter, et que, dans les deux camps, on était également fier des plus grandes bassesses quand elles pouvaient servir contre l’ennemi.

Il faut pourtant bien qu’il y ait des causes pour que la meilleure des deux monarchies ait succombé, tandis que la moins bonne a survécu. Ces causes, M. Guizot les a cherchées dans la différence du point de départ des deux révolutions, et c’est là qu’elles sont en effet. Tout fait historique a des racines profondes qui ne se découvrent pas tout d’abord ;